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tout enfant, chez un prince surtout, c’est la volonté qui doit être formée et dirigée vers le bien. De là cette fermeté dans ses décisions que le Comte de Chambord manifesta toute sa vie et que certains ont traitée d’entêtement puéril, d’autres de calcul pour ne pas régner. Ceux-ci comme ceux-là connaissaient bien mal Henri V, qui l’imaginaient capable de fuir un devoir ; ils ne savaient pas que ce grand esprit en avance sur son siècle pour tant d’idées qui commencent à peine à germer aujourd’hui[1] : décentralisation, corporations ouvrières, représentation des intérêts, etc. ; que ce prince, dis-je, avait un programme social et politique dont la réalisation tenait trop à son cœur de Français pour qu’il ne lui sacrifiât pas tout, fors l’honneur[2] !

Qu’après cela, le marquis d’Hautpoul, en quelques parties de sa tâche eût pu mieux réussir que le baron de Damas, nous n’en disconviendrons pas. S’il nous étonne quand il écrit que son ambition eût été de faire de son élève un « Napoléon légitime, » et si la contradiction qui éclate entre ces deux mots semble lui échapper, c’est un témoignage de l’admiration qu’il avait gardée au prodigieux génie qui l’avait mené par tant de champs de bataille. Son tort ne fut que de s’être cru appelé à une réforme générale de l’éducation du Duc de Bordeaux. Mais on estima sa valeur à son prix ; son royal élève lui rendit justice, et plus tard, lorsque le Duc de Bordeaux voulut visiter les champs de bataille de l’Europe, ce fut au vaillant soldat qu’il demanda de l’accompagner pour l’aider à terminer son éducation militaire.


VI

Il nous reste à examiner quels souvenirs ou quels regrets accompagnèrent le baron de Damas dans sa retraite, et quelle empreinte laissèrent ses enseignemens dans l’âme du Duc de Bordeaux. Dix jours seulement après son départ, Charles X lui écrivait :


Votre lettre m’a fait du bien, cher baron, vos sentimens, vos principes et vos regrets sont si bien d’accord avec ce que j’éprouve ! J’ai lu aussi ce

  1. Voyez le Compte rendu de la Réunion royaliste d’études sociales à Reims (Oudin, 1897).
  2. Le Comte de Chambord a voulu régner : ce fait a été péremptoirement établi par M. le marquis de Dreux-Brézé dans ses Notes et souvenirs pour servir à l’histoire du parti royaliste, 1872-1883 (Perrin, 1893).