Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 11.djvu/64

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la Valette, témoignent assez des inquiétudes que les torpilleurs de Bizerte causent à l’Amirauté britannique.

C’est dans l’enceinte de la « défense mobile » que nous avons eu l’occasion de voir manœuvrer les cent premiers « turcos de la mer, » les Baharia, ou marins indigènes. On se souvient du légitime succès qu’obtint, à la Chambre, le discours très chaleureux de M. Albin Rozet, député de la Haute-Marne, pour demander l’inscription, au budget de l’année 1900, d’une somme de un million « pour reconstituer une force navale tirée de l’Algérie du Nord et organiser à la fois, en Algérie par voie d’engagemens volontaires, en Tunisie par voie de conscription ou d’engagemens volontaires, des équipages indigènes plus particulièrement réservés à la défense de ces régions et du bassin de la Méditerranée. » Habillés comme nos marins français, mais coiffés de la chéchia, les premiers baharia ont fait preuve, au dire des officiers chargés de leur instruction, des mêmes qualités d’endurance et de discipline que nos turcos et nos spahis ; quant à leur aptitude pour le service à la mer, il est difficile d’en juger d’après l’expérience, encore trop restreinte, que l’on vient de faire. Un marin ne s’improvise pas, et les musulmans adonnés à des professions maritimes sont peu nombreux sur nos côtes africaines, sauf en quelques endroits comme les îles de Djerba et de Kerkennah. Quoi que l’on pense d’ailleurs de la résurrection d’une marine indigène, espérée par M. Albin Rozet, l’idée dont il s’est fait l’interprète mérite d’être appliquée dans une plus large mesure. Les indigènes, employés sur nos bateaux, comme chauffeurs, comme matelots de pont, ou groupés en sections de débarquement, pourraient rendre d’excellens services. L’Algérie-Tunisie n’a pas, actuellement, de réserve de matelots, et cependant, en cas de guerre sur mer, elle risquerait de rester longtemps coupée de la France ; il serait donc extrêmement utile qu’elle pût, le cas échéant, trouver, sur son propre sol, des marins exercés pour combler les vides des équipages, armer les bâtimens de réserve, seconder et suppléer de toutes manières le personnel français. L’augmentation du nombre, des baharia, l’organisation d’une sorte d’inscription maritime indigène, sont des mesures qui s’imposent, au moins à titre d’expérience prolongée. Les cent matelots, coiffés de la chéchia, que nous avons regardés avec plaisir exécutant « l’école du soldat, » dans la cour de la « défense mobile, » n’étaient peut-être que le premier noyau de la future marine franco-algérienne.