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Peu d’hommes, politiques ont été aussi calomniés que M. de Blacas. Depuis le duc de Raguse jusqu’au marquis d’Hautpoul, les auteurs de mémoires ont travesti ce beau caractère et mis en doute son désintéressement. Sa défense serait facile, mais n’entre pas dans le cadre de ce travail. Il nous sera permis seulement de saluer en passant ce fidèle de la monarchie, qui demanda en mourant de n’être pas séparé du maître qu’il avait servi dans la bonne comme dans la mauvaise fortune, et qui repose aux pieds de Charles X dans ce caveau de Goritz, où deux autres rois, hélas ! sont venus les rejoindre.

Charles X n’arriva à Goritz que pour y mourir. Deux jours après, le Dauphin publiait la déclaration suivante :


Pendant la vie du Roi, mon auguste père, mes devoirs de fils soumis et de sujet m’imposaient un respectueux silence sur des questions dont la direction n’appartenait qu’à lui seul.

Aujourd’hui que Dieu l’a rappelé dans son sein, je regarde comme un devoir pour moi envers la France et ma famille, dont je suis maintenant le chef, de faire connaître ma volonté. En conséquence, je déclare persister dans l’intention où j’étais à l’époque des événemens de juillet 1830, de transmettre la couronne à mon bien-aimé neveu, le Duc de Bordeaux ; mais dans les circonstances actuelles, l’intérêt des enfans de mon bien-aimé frère, le Duc de Berry, exige que je sois en réalité chef de ma famille : et, pour en exercer les droits, je dois être investi de l’autorité royale. Je prends donc le titre de Roi, bien résolu à ne faire usage du pouvoir qu’il me donne que pendant la durée des malheurs de la France, et à remettre à mon neveu, le Duc de Bordeaux, la couronne, le jour même où, par la grâce de Dieu, la monarchie légitime sera rétablie.

Car telle est ma volonté. Fait à Goritz le 8 novembre 1836.

Louis.


La famille royale partage dès lors son temps entre Goritz et Kirchberg, qu’on avait racheté au duc de Blacas. C’est de là que celui-ci écrivait le 5 août 1837 :


Je n’ai que de très bonnes nouvelles à vous donner du jeune homme qui nous intéresse ; je viens de faire une course avec lui et j’en ai été très content ; il y aurait cependant encore bien des choses à dire et à faire, il lèsent lui-même, mais malheureusement le remède n’est pas auprès du mal. Vous savez que M. de Bouillé[1] se relire ; je ne puis, pour le moment, en dire davantage, parce que je ne sais rien de plus et qu’au fait aucun parti n’est pris.

  1. M. de Bouillé.