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d’allure plus ou moins élégante. Quand Faust arrivait à la fin de sa carrière, il comptait encore les derniers instans qui le séparaient de l’enfer. Mais bientôt il ne suffira plus que l’horloge sonne ; le veilleur de nuit viendra chanter son couplet d’heure en heure, et le ton calme de sa mélodie fera contraste avec les angoisses du pauvre docteur. C’est Kasperle qui, lassé de son service auprès de Faust, occupe ordinairement cet emploi, moins dangereux et plus lucratif. Kasperle s’essaye aussi à la magie, mais seulement pour se divertir et pour divertir les spectateurs ; et quand les diables qu’il a évoqués lui demandent son âme, il leur répond : « Je sais bien que j’ai un corps, et j’en ai trop besoin pour vous le céder. Mais Kasperle n’a pas d’âme ; elles étaient toutes données quand il est venu au monde. » Les diables ont assez d’esprit pour ne pas insister.

Neumann disait déjà, à la fin du xviie siècle, que Faust serait moins connu en Allemagne s’il n’avait été si souvent mis au théâtre. On sait qu’une tragédie dont il était le héros fut jouée à Dresde par les comédiens anglais, le 7 juillet 1626 ; c’était sans doute celle de Marlowe, car il est dit que les mêmes comédiens donnèrent, le dernier jour du mois, le Juif de Malte. Ensuite un Faust allemand fut représenté à Hanovre en 1661, à Dantzig en 1668, à Francfort-sur-le-Mein en 1742 et en 1767. Un compte rendu de la représentation qui eut lieu à Dantzig en 1668, pendant la foire, nous a été conservé par George Schrœder, membre du Conseil de la ville. Le drame s’ouvre par un prologue dans l’enfer ; Pluton appelle les démons devant lui, et leur recommande de séduire l’humanité par tous les moyens en leur pouvoir. « Là-dessus, continue le récit, il arrive que le docteur Faust, ne voulant pas se contenter de la science ordinaire, consulte les livres de magie, et conjure les démons pour les attacher à son service. Il s’informe de leur vitesse ; il ne lui suffit pas qu’ils soient aussi rapides que les cerfs, les nuages et les vents ; il n’accepte que celui dont la vitesse égale celle de la pensée de l’homme. » Viennent ensuite les diverses conjurations de Faust. Enfin son dernier jour arrive : « Il compte toutes les heures, jusqu’à ce que la cloche sonne la douzième. Puis il exhorte son serviteur à ne pas s’adonner à la magie. Les diables surviennent et s’emparent de Faust ; ils le lancent de tous côtés et le déchirent cruellement. On représente de plus comment il est martyrisé dans l’enfer, où il est tantôt élevé en l’air, tantôt