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au sujet un aspect qui, dans une époque aussi utilitaire, ne fût pas exposé au reproche facile de n’avoir qu’un intérêt archéologique, de ne posséder aucune valeur pratique pour des hommes appelés à se servir de l’outillage si nouveau de la guerre navale moderne. » Mahan a résolu ce problème avec un tel succès qu’aujourd’hui son nom a acquis une notoriété universelle. Son point de départ fut que les historiens maritimes se sont en général trop peu inquiétés de la relation qui pouvait exister entre leur sujet particulier et l’histoire générale. Ils se sont ordinairement limités à un simple compte rendu des faits maritimes. Il reconnaît cependant que cela est moins exact des Français que des Anglais ; le génie et l’éducation des premiers les poussent à étudier les causes des faits et à se rendre compte des relations des événemens les uns avec les autres. L’auteur ne connaît, il est vrai, aucun ouvrage, même français, se proposant précisément le but qu’il a lui-même poursuivi, et qui était de mettre en première ligne les intérêts maritimes sans les séparer des circonstances de causes et d’effets qui s’y rattachent dans le cours de l’histoire générale, en cherchant à montrer comment ils ont modifié ces circonstances ou coin ment ils ont été modifiés par elles.

Il en conclut qu’un livre, analysant des événemens à travers une série d’années, et destiné à montrer « l’influence de la puissance maritime dans l’histoire », servirait au moins à inspirer aux marins américains qui le liraient un sentiment exalté du caractère de leur profession, et pourrait, en outre, contribuer à donner à la marine et au pays une impression plus définie de la nécessité de constituer la flotte nécessaire pour les grandes entreprises, « afin que, si une occasion se présentait jamais à nous d’avoir à appliquer l’intelligence de l’homme d’État à la direction de la force organisée (statesmanship directing arms), nous ne fussions pas exposés à nous trouver inférieurs à la tâche, par le fait de n’avoir pas une force armée suffisante à diriger. » Le capitaine Mahan estime que les historiens qui l’ont précédé n’ont pas attribué une importance suffisante aux influences directes et indirectes du pouvoir maritime sur les événemens historiques. Ils n’ont pas vu ou n’ont que très imparfaitement indiqué que la plupart des grands changemens qui se sont produits dans la géographie politique ont été la conséquence de la maîtrise de la mer. Ils n’ont pas su discerner à quel point la