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cela fut jeté à la mer. Ils se partagèrent les débris du marbre et les vendirent à différentes personnes. Un apothicaire de Tarragone en a recueilli la plus grande partie. Vous noterez que, quelque absurdes que soient les inscriptions égyptiennes, elles ne laissent pas de démontrer l’existence à Tarragone d’une tradition d’origine égyptienne. Des fouilles faites il y a déjà longtemps, d’autres entreprises l’année dernière par Delgado ont fait découvrir un certain nombre d’objets qui sont des imitations plus ou moins grossières de l’art égyptien. J’oubliais de vous dire que le sarcophage se trouvait, au rapport des galériens, à une assez grande profondeur dans le tuf, et au-dessous de deux couches de mosaïques romaines. Dans la couche inférieure au sol romain de Tarragone, on trouva beaucoup de médailles celtibériennes et d’objets de fabrique barbare. C’est, dit-on, à cette profondeur qu’ont été découverts et le tombeau et les objets dont je parlais tout à l’heure, qui indiquent une imitation maladroite de l’art égyptien. Ces circonstances font croire à M. Delgado que le sarcophage est antérieur à la conquête romaine. Pour moi, je ne puis reconnaître dans les dessins (très exactement calqués) les caractères d’un art ancien. Ils me semblent manquer tout à fait de naïveté, et je les crois du IIIe ou IVe siècle de notre ère. Les monumens gnostiques et les idoles sardes me paraissent avoir beaucoup de rapport avec les magots que je vous envoie. Au surplus, vous jugerez. Je n’ai encore fait qu’examiner les inscriptions que vous m’avez envoyées. Je suis fort ennuyé de besogne arriérée et je n’ai pas voulu me mettre à lire le mémoire de M. Mommsen de peur de m’y arrêter trop longtemps. J’espère que vous n’en êtes pas pressé et que vous me permettrez de le garder jusqu’à ce que j’aie un peu de loisir.

J’ai écrit à Mantes au sous-préfet. Il ne connaît personne dans la ville qui possède des têtes de l’ossuaire en face d’Épône. Rien ne se conserve en province, et la barbarie commence aux portes de Paris.

J’espère, monsieur, que vous trouverez le temps à Francfort de travailler à votre grand ouvrage. J’en attends la suite avec beaucoup d’impatience.

Veuillez agréer l’expression de tous mes sentimens de la plus haute considération.