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me parle d’un acide nouveau, qu’on appelle phœnique (ou fénique ? ) et qui se tire du coaltar. On m’assure que cela guérit instantanément un rhume et promptement une maladie du poumon. Il est vrai qu’il ne faut pas se tromper de dose, car c’est aussi mauvais que la digitaline. Je cherche à faire une expérience in anima vili


Je me réjouis beaucoup de vous voir publier un livre pour les pauvres mortels[1]. Il me plaît rien que par le titre. Nous nous étonnons toujours qu’on ne pense pas partout comme à Paris, pays où personne ne se ruine en dépense d’idées, et nous ne comprenons rien aux Orientaux. Vous m’avez déjà résolu un grand problème, en m’expliquant pourquoi les Anglais étaient haïs par les Asiatiques : c’est parce qu’ils ne sont pas polis, quoique plus honnêtes, et qu’ils humilient les natifs. Je me promets d’apprendre beaucoup dans votre nouveau volume. A mon avis on ne comprendra bien l’histoire ancienne et l’histoire moderne étrangère que lorsqu’on aura étudié l’état des idées dans une époque et dans un pays. Publiez donc et donnez-moi quelques bonnes heures en me faisant connaître l’Asie.

Je suis hésitant entre l’envie que j’ai d’aller à Londres et la peur d’y être plus malade qu’ici. Si le temps consent à devenir chaud, il est probable que je m’embarquerai pour le British Museum, sinon je resterai rue de Lille. J’ai encore un autre projet de voyage plus long. Je suis un peu inquiet de la santé de la comtesse de Montijo. Elle ne vient pas en France cette année, et je pense à lui faire une visite. Pourquoi n’iriez-vous pas à Madrid ; je vous y servirais de cicérone, et vous feriez mon oraison funèbre si j’y crevais.

Adieu, cher monsieur, je vous souhaite santé et prospérité et surtout point d’asthme nerveux.


Fontainebleau, 21 juin 1864.

Cher Monsieur,

Je vous envie votre calme asiatique. Je me rapproche chaque jour du monument. Demain, partie de forêt qui m’achèvera.

  1. C’était le livre sur les Religions et les Philosophies dans l’Asie centrale, paru en 1865.