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finir une bonne fois avec les fantaisies budgétaires ; que le Trésor n’en peut mais ; que le ministre des Finances y perd son latin ou, ce qui est pis dans l’espèce, son arithmétique ; que percepteurs des contributions directes, receveurs des contributions indirectes, de l’enregistrement et des douanes, grattent le fond de leurs tiroirs ; que la vis fiscale ne tourne plus, et que la matière imposable est aplatie, desséchée, épuisée. Cependant il ne s’est pour ainsi dire passé aucune des vingt-trois ou vingt-quatre séances tenues jusqu’ici par la Chambre sans qu’on ait « distribué » quelque proposition de loi « tendant à accorder à l’arrondissement de X…, dévasté par la grêle, une indemnité de 500 000 francs ; » nous en avons compté une trentaine, et « compté » est le mot, puisque 30 à 500 000 francs, cela ferait 15 millions. O vous, hommes vertueux qui poursuivez impitoyablement sous ses travestissemens protéiformes la corruption électorale subtile et prompte à s’infiltrer, ne l’apercevez-vous pas, ne l’arrêterez-vous pas ? Encore si c’était tout, cette grêle de propositions à propos de grêle ; mais les chemins de fer électoraux, les travaux publics d’utilité quasi privée, les créations, amplifications, multiplications, dédoublemens et redoublemens d’offices, de places, d’emplois sportulaires ! Nous sommes, quant à nous, décidés à ne pas nous faire les complices de ce gaspillage qui confine au pillage, et nous espérons avoir montré l’inanité de l’objection constitutionnelle et de l’objection parlementaire contre la mesure qui l’empêcherait. Mais cette inanité ne fût-elle pas démontrée, et dût-on, pour refréner l’initiative budgétivore des Chambres, réviser la constitution, que nous ne reculerions pas, nous n’hésiterions pas, nous dirions : soit, révisons donc ; et sur ce point déjà, sur ce point d’abord, par une modification au règlement, si c’est possible, par une révision de la constitution, si l’on ne peut faire différemment, limitons le parlementarisme.


Deux autres réformes, sur les cinq qui assureraient la réforme parlementaire, peuvent, en tout cas, se faire par voie législative. L’une consiste à déclarer incompatibles les fonctions de ministre et le mandat de sénateur ou de député. J’ai à plusieurs reprises expliqué pourquoi, en France, dans les circonstances actuelles, les hommes étant ce qu’ils sont et les choses ce qu’elles sont, les ministres ne devraient pas être pris dans les Chambres et tous les ministres ne devraient pas être tous les jours en contact