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directrice de la maison, a été prévenue de notre arrivée ; elle nous introduit tout de suite dans le corps de logis principal. Des femmes, assez mal vêtues, l’air fatigué y circulent. Ce sont les élèves sages-femmes, les plus pauvres de toutes les étudiantes de Moscou, et les seules que reçoit la maison Liapinsky. Elles occupent sur deux étages, à droite et à gauche d’une longue galerie, des chambres séparées par des cloisons qui ne montent pas jusqu’au faîte, afin de laisser circuler la chaleur du calorifère et de faciliter ainsi le chauffage général. Chacune d’elles est de trois lits, et ces petits dortoirs ne renferment que le strict nécessaire. Les étudiantes travaillent là aux heures où elles ne sont pas à l’hôpital. Un restaurant à 15 copeks les nourrit. Séparé du quartier des étudiantes est celui des mères de famille. Pour obtenir d’y loger, il suffit de cette seule recommandation : être veuve, chargée d’enfans et pauvre. À ces conditions, un logement vous est accordé composé d’une pièce ou de deux, selon le nombre des enfans. Dans la cuisine commune, un four est attribué à chaque groupe de sept personnes. Il faut voir l’interminable rangée de samovars le long du poêle peint en vert. A tour de rôle, l’une des pensionnaires prend soin des fourneaux ; une autre veille à la tranquillité des étages où de nombreux enfans, dressés à obéir au règlement, jouent sans bruit dans le large corridor. Sur ce corridor ouvrent les logemens des veuves, elles peuvent y apporter ce qu’elles possèdent de meubles. Pour les achats de comestibles, tout est simplifié, un grand marché se tenant dans la cour, avec abondance de victuailles à bas prix. Le linge de lit est fourni aux pensionnaires ; les blanchisseries, les salles de bains, sont à leur disposition. Chacune des veuves exerce un état, couturière, modiste, brodeuse, etc. Quand elles n’ont pas de travail, on leur en procure. Les garçons restent jusqu’à douze ans à la maison Liapinsky. Ils peuvent fréquenter une excellente école. A douze ans aussi, les petites filles sachant lire, écrire et compter commencent l’apprentissage, chacune d’elles selon son goût. Nous visitons l’atelier des repasseuses, celui des couturières, etc. On nous montre des broderies magnifiques faites par les jeunes filles de la maison. Beaucoup de dames commandent des objets de lingerie et de toilette qu’elles viennent essayer dans des salons arrangés à cet effet, car la maison Liapinsky, dans son extrême simplicité, présente cependant quelques détails d’un luxe relatif ; la jolie salle, par exemple,