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absolu, si nous croyions qu’il n’y a de vie possible que dans et par le protoplasme albumineux, le problème de la « vie de la matière » serait résolu négativement. Mais ce caractère très général ne saurait cependant posséder une valeur exclusive et éliminatoire, et c’est dans des corps qui ne le possèdent pas que nous allons chercher cependant les traits principaux de la vitalité, vitalité qui existera alors avec un autre support.

Au point de vue physique, le microscope a révélé la complexité de la matière protoplasmique. Dans toute l’étendue du règne vivant, depuis les bactéries étudiées par MM. Kunstler et Busquet jusqu’aux protozoaires les plus compliqués, elle présente la même constitution physique ; et, en conséquence, cette structure du protoplasme doit être considérée comme l’un de ses caractères distinctifs. Il n’est pas homogène ; il n’est pas le dernier terme de l’organisation visible ; il est lui-même organisé. Aussi l’expérience montre-t-elle qu’il ne résiste pas à la dislocation, au broiement, à l’écrasement. Toutes les mutilations lui font perdre ses propriétés. Quant à l’espèce de structure qu’il présente, on l’exprime d’un mot en disant qu’elle est celle d’une émulsion mousseuse.

Au point de vue chimique, cette matière vivante présente une propriété bien remarquable, sur laquelle A. Gautier, en 1881, et Ehrlich en 1890 ont appelé l’attention : c’est à savoir, une grande avidité pour l’oxygène. Elle s’en empare si avidement que le gaz ne peut subsister à l’état libre dans son voisinage. Le protoplasme vivant exerce donc un pouvoir réducteur. Mais, ce n’est pas à son profit qu’il opère cette absorption d’oxygène ; ce n’est pas, comme on le croyait, il y a une trentaine d’années, pour se brûler lui-même. Les produits que l’on recueille ne sont pas ceux de son oxydation, de sa désintégration propre. Ce sont les produits de combustion de substances qui lui sont apportées du dehors, comme l’oxygène lui-même, avec le sang. C’est une vérité dont E. Pflüger a donné la démonstration de 1872 à 1876. Le protoplasma n’est que le foyer, le théâtre ou le facteur de la combustion ; il n’en est pas la victime.


V

Un second caractère des êtres vivans c’est leur organisation. Celle-ci est sensiblement constante d’un bout à l’autre de l’échelle