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de la nature. C’est le contraire qui est vrai. L’être réellement vivant, c’est-à-dire la cellule, l’élément anatomique — plongé dans la lymphe, dans les liquides interstitiels, qui forment son milieu extérieur, — y trouve les stimulans de sa vitalité.

C’est ce qu’Auguste Comte avait bien compris, avant Claude Bernard, et c’est ce qu’il a voulu exprimer dans le passage que nous venons de citer. La loi de l’inertie de la matière, que l’on croit le partage des corps bruts, ne leur est pas spéciale : elle s’applique aux corps vivans, aux élémens anatomiques comme à l’organisme total, aux animaux comme aux plantes. Leur apparente spontanéité n’est qu’une illusion démentie par toute la physiologie. Réflexe ou consciente, toute manifestation vitale est une réplique à une stimulation, un fait provoqué et non point spontané. L’élément vivant ne possède en lui-même aucune initiative réelle, aucune spontanéité. Il a seulement la faculté d’entrer en action lorsqu’un stimulus étranger vient l’y provoquer. Le mot d’irritabilité désigne cette condition de la matière vivante.

On ne l’emploie pas à propos de la matière brute. Celle-ci est dans la même condition, cela va de soi : mais il n’est pas besoin de parler de son irritabilité ; son inertie bien connue en est l’équivalent. Au contraire, en ce Qui concerne les êtres vivans, cette affirmation est nécessaire, et elle l’est d’autant plus que la fausse notion de la spontanéité vitale est plus répandue.

Le monde ambiant, c’est-à-dire le corps brut, au résumé, fournit à l’être vivant, entier ou fragmentaire, les énergies qu’il met en jeu, les matériaux de son organisation, et, en même temps, les excitans de sa vitalité[1]


VII

Dans l’énumération que nous avons faite des traits essentiels de la vitalité, il y en a trois qui possèdent pour ainsi dire une valeur de premier plan ; c’est, dans leur ordre d’importance : la possession d’une forme spécifique ; la faculté d’accroissement ou nutrition, et, enfin, la faculté de reproduction par génération. Aussitôt que l’on envisage ces caractères véritablement fondamentaux, le champ de la comparaison entre êtres bruts et êtres

  1. Voyez, dans la Revue des 1er avril et 1er mai 1898, l’Énergie et le monde vivant.