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platine passé dans un bocal de salol solide, c’est-à-dire, que l’on y introduise un germe cristallin. Que l’on expose le fil de platine à la flamme, on l’aura stérilisé, à la manière des bactériologistes : on pourra l’introduire alors impunément dans la liqueur. — On peut diluer le salol dans une poudre inerte, par exemple dans du sucre de lait, diluer le premier mélange dans un second, le second dans un troisième, et ainsi de suite : puis, jetant dans la liqueur de salol surfondu, un dixième de milligramme de ces divers mélanges, on s’assurera que la production de cristaux n’a plus lieu si le fragment projeté pèse moins d’un millionième de milligramme, ou mesure moins de 10 millièmes de millimètre de côté, Il semble donc que ce soient là les dimensions de la particule cristalline ou molécule cristallographique du salol. De la même manière, Ostwald s’est assuré que le germe cristallin de l’hyposulfite de soude pesait environ un milliardième de milligramme et mesurait un millième de millimètre : celui du chlorate de soude un dix millionième de milligramme. C’est un ordre de grandeur précisément comparable à celui des microbes.

Il existe des analogies encore plus étroites de la formation des cristaux avec la génération des micro-organismes.

Beaucoup de solutions sursaturées ou de liqueurs en surfusion restent indéfiniment liquides, dans les conditions ordinaires. Elles se prennent si l’on y introduit un germe cristallin. Mais, si les conditions sont moins favorables, la génération cristalline sera moins facile : elle pourra être considérablement ralentie. C’est ce qu’a vu Tammann avec le bétol. Les solutions surfondues de cette substance, maintenues à 10°, se prennent rapidement. Évidemment, il y a eu quelques premiers germes qui se sont formés spontanément et qui ont entraîné la prise de toute la masse. La température de 10° est l’optimum qui convient à cette génération spontanée. En deçà et au-delà de cet optimum l’action se ralentit. On peut compter les centres de cristallisations qui s’étendent de plus en plus, comme dans une culture microbienne on compte les colonies correspondant aux germes primitivement formés. — Comme il y a un optimum pour la formation des cristaux il y en a un aussi, différent du premier, pour leur rapide extension : c’est, ici, la température de 70°. Aussitôt que les germes, nés spontanément vers 10°, se trouvent dans le liquide à 70°, ils grossissent, prospèrent, et pullulent vigoureusement.