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les règlemens d’ateliers, les unions professionnelles, les conseils de l’Industrie et du Travail, les coopératives, tendent à l’affranchissement économique de l’ouvrier ; les lois d’assurances ouvrières, la limitation des heures de travail, les lois protectrices des femmes et des enfans, l’inspection du travail, la législation sur les habitations ouvrières, les efforts tentés en vue de l’instruction et de l’apprentissage professionnel tendent à l’amélioration de l’existence de l’ouvrier et ont transformé la situation.

Si les progrès ont été accomplis avec le concours du capital, celui-ci n’est pas un vampire ; et s’ils ont été accomplis malgré lui, le travail n’est pas asservi.

Mais il est permis de croire que l’augmentation de productivité du capital, ayant augmenté son élasticité, lui a permis des sacrifices qui jadis l’eussent compromis ; et c’est la science qui est la cause de cette élasticité et qui s’affirme comme l’instrument d’émancipation du travail manuel.

La conception pessimiste de Marx résulte de sa conception matérialiste de l’industrie, où il n’aperçoit que des mouvemens musculaires et du travail manuel, le capital étant au contraire pour lui l’absence de travail.

Or, du haut en bas de l’industrie, qu’il s’agisse du travail ou du capital, il y a, à des degrés divers et dans des proportions variables, un élément mental et un élément physique.

Le travail de l’ouvrier, c’est de la force physique, intellectuelle et morale, de l’énergie, de la réflexion, de la tension d’esprit, de la discipline, de la tempérance, l’esprit de famille, d’épargne, de prévoyance, l’éducation professionnelle, l’habileté d’où s’élève un skilled labour, une aristocratie ouvrière qui progresse et s’émancipe.

Le travail du capital, c’est aussi un ensemble d’actes physiques et mentaux, de force motrice et d’énergie morale ; c’est de la décision, du jugement, de la clairvoyance, c’est surtout une suite constante d’études, d’inventions, de combinaisons scientifiques, de plans concertés d’avance, de recherches pour obtenir des débouchés, une activité incessante sans laquelle l’entreprise périclite.

En résumé, l’industrie est une fusion d’efforts mécaniques, physiologiques et intellectuels. Et sans que l’on puisse bien démêler où les uns commencent où les autres finissent, il semble