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sans doute l’intérêt qui s’y attachait à leurs yeux n’était pas seulement politique. Pourquoi le voyage, toujours annoncé, a-t-il été toujours retardé ? Il est assez difficile de le comprendre, après les démonstrations antérieures du gouvernement russe. On a prétexté la santé de l’impératrice, ce qui donnerait à croire que celle-ci désire beaucoup recevoir en personne la reine Draga ; mais la chose n’a pas été comprise ainsi à Belgrade, et peu à peu la situation s’est tendue. Finalement, M. Vouitch a donné sa démission et elle a été acceptée. Le voyage du roi et de la reine en Russie devait être le couronnement et la consécration de sa politique russophile. Il a expliqué à un rédacteur de la Nouvelle Presse libre qu’il continuait de regarder cette politique comme la seule qui convînt à la Serbie ; qu’il était personnellement convaincu que les raisons invoquées à Saint-Pétersbourg pour retarder encore une fois le voyage étaient sérieuses et sincères ; mais que, des ajournemens successifs s’étant renouvelés pendant un an et demi, il avait cru devoir laisser au roi une entière liberté d’action dans cette délicate affaire, et aussi le débarrasser de la nécessité d’avoir à tenir compte de la politique du Cabinet dans le cas où il tiendrait pour opportun ou désirable de la modifier. On ne saurait être plus clair. Il était à craindre que le roi Alexandre ne se laissât entraîner à un changement profond dans sa politique extérieure, et même intérieure, qui n’eût été conforme ni aux intérêts de la Serbie, ni à ses tendances naturelles. Les noms qui avaient été mis tout d’abord en avant pour remplacer M. Vouitch étaient de nature à inspirer à cet égard quelques préoccupations, que le choix de M. Vélimirovitch a quelque peu dissipées. Néanmoins, la situation n’est plus tout à fait la même, et, bien que la politique serbe semble pour le moment plus soucieuse de se recueillir que de se déterminer dans un sens définitif, la crise ministérielle qui vient de se dénouer à Belgrade a certainement fait plus de plaisir à Vienne qu’à Saint-Pétersbourg.


Francis Charmes.
Le Directeur-Gérant,
F. Brunetière.