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devait être la sienne, tandis qu’il demeurait abandonné sans nulle ressource à la charité des âmes généreuses dont la confiance en son talent pouvait facilement se démentir ou se lasser ; si l’on pense au naufrage de maint compagnon de sa jeunesse, émigré comme lui vers les cités séductrices, mais pour y rencontrer une fin lamentable qu’il nous a parfois contée[1] ; si l’on se représente le milieu familial et local avec lequel il lui fallait bien souvent reprendre contact, et qui, affectueux et dévoué ou jaloux et envieux, se montrait si parfaitement incapable de comprendre, même d’une façon vague, ses occupations et son idéal nouveau, on partagera les appréhensions de maître Natz, et, un instant, l’on s’efforcera en pensée de retenir à ses côtés cette jeune destinée qui marchait si peu préparée vers les écueils de la vie moderne. — Un miracle de la vocation a seul fait persévérer Rosegger dans la carrière d’écrivain : ajoutons dès à présent que cette vocation ne l’a pas égaré, car, s’il a paru souvent douter lui-même d’avoir rencontré, dans la voie brillante qu’il a parcourue, plus de bonheur que dans l’humble sentier où l’engagea sa naissance, le bon sens vulgaire pourrait refuser de l’en croire : il y a trouvé tout au moins, nous le verrons, l’amour, la fortune, et la gloire.


ERNEST SEILLIERE.

  1. Meine Ferien.