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en montrant mon ruban de décoration : « Und er ist Ehrenmitglied ! » (Et il est chevalier de la Légion d’honneur ! )

Nous arrivons enfin à Glogau à dix heures du soir. On nous conduit aussitôt chez le gouverneur de la forteresse. Il parle très affectueusement, en français, à mes compagnons, des fatigues de leur voyage, des dures nécessités de la guerre, il leur annonce que le maire et M. Cocault seront enfermés dans une prison de la forteresse même de Glogau, et que les deux autres seront dirigés le lendemain sur Glatz. Il évite de me parler et se borne à m’annoncer très froidement, en nous congédiant, que je serai enfermé, avec d’autres officiers français, dans la même prison que le maire et le conseiller municipal de Nemours.

Un officier de landwehr, pharmacien de son état, remplissant les fonctions d’adjudant de place, nous amène dès le soir même dans cette prison. Mes deux compagnons sont enfermés au rez-de-chaussée ; moi, je suis conduit au premier étage et présenté à cinq officiers français : MM. Brissot, capitaine d’infanterie, Prévost capitaine, Nicolas lieutenant, de Villiers lieutenant et Motte, sous-lieutenant au 7e cuirassiers, qu’on détenait en prison parce qu’ils avaient refusé fièrement de signer aucune espèce d’engagement, dès leur arrivée en Allemagne.

Ces messieurs m’accueillent avec une grande cordialité dès qu’ils apprennent le motif de mon arrivée parmi eux. Nous passons une grande partie de la nuit à nous raconter nos aventures et nos histoires de guerre. Ils avaient, comme moi, fait partie de l’armée de Metz.

Notre prison était destinée, en temps ordinaire, à recevoir les officiers allemands punis. Elle était petite, proprement tenue. Elle faisait partie d’un lot de bâtimens militaires, situé contre la fortification, et occupant une impasse qui longe le rempart à gauche de la porte de Breslau.

A partir de cette porte, se trouvaient d’abord un poste occupé par une vingtaine d’hommes, puis le logement du geôlier ; notre prison suivie de magasins militaires ; et enfin une palissade donnant sur des jardins et barrant l’impasse et la fortification. Du côté de la porte, l’impasse aboutissait à la grande rue de Glogau.

En face de notre prison, un sentier montait le long de la fortification et nous permettait, aux heures de promenade, d’atteindre la plongée du rempart qui nous servait de promenoir depuis la palissade jusqu’au-dessus de la porte de Breslau.