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Senatus-consulte, et il était très gai et avait l’air de voir tout en beau. Ce n’est pas précisément de cette couleur que je vois les choses, mais je ne suis pas sans quelque espoir dans la bêtise de nos adversaires. Je compte beaucoup sur eux.

Bien que je mène une vie d’anachorète, j’ai vu il y a quelques jours la princesse Mathilde, avec qui j’ai parlé de vous. Il me semble qu’elle s’ennuie, cependant elle travaille beaucoup. Elle a planté, bâti à Saint-Gratien. Elle a une ferme et des vaches et elle est toujours fort entourée. Il y a un siècle que je n’ai vu la princesse Julie, mais je sais qu’elle est en grande prospérité, flirtant avec des philosophes et quelquefois avec des abbés. Comme je commence à entrer dans la seconde enfance, je me suis laissé aller à commettre une nouvelle un peu hasardée. Cela s’appelle Lokis et cela paraîtra dans la prochaine Revue. Je crains qu’elle ne vous fasse dresser les cheveux sur la tête, mais c’est que vous y chercherez malice. Je m’imaginais que votre histoire de Perse était toute prête et que vous la laissiez à un éditeur ici. Quand paraîtra-t-elle ? Je viens de relire Hérodote, qui m’a fort amusé. Presque tout ce qu’il dit doit être vrai, sauf bien entendu les chiffres des morts et des blessés qui, depuis le commencement du monde, sont toujours faux. Moi qui suis la vérité même, j’ai été chargé d’apprendre au respectable public le nombre des morts pendant le premier choléra, et Dieu sait quels retranchemens j’ai faits pour ménager la sensibilité de mes concitoyens ! Adieu, cher monsieur, j’espère que vous vous trouvez bien dans le beau pays que vous habitez. N’y demeurez pas trop longtemps et donnez quelquefois de vos nouvelles. Miss Lagden et sa sœur me chargent de leurs complimens. Mille amitiés.


Paris, 1er octobre 1869.

Cher Monsieur,

L’arc est arrivé en bonne santé, ainsi que les flèches, qui sont très jolies. Quand je dis en bonne santé, c’est un euphémisme. Il a perdu par les années ou l’ignorance de l’archer qui s’en servait les chevalets sur lesquels s’appuyait la corde. De plus il a d’un côté une faiblesse, un léger tour de reins. Cependant, je compte bien en faire usage à Cannes. Mille remerciemens.

Le petit nombre de flâneurs qui sont encore à Paris continue à discuter sur le traité. Il me semble qu’on en est content quand on n’est ni clérical ni révolutionnaire. Au fond, il me paraît un