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Mrs Moss, combinant en sa personne les devoirs d’hôtesse et de cuisinière, me cria de me mettre à mon aise dans le parloir. Je m’installai sur un sofa, qui exhalait l’odeur âcre particulière aux pauvres. En face, une porte entr’ouverte conduisait à une chambre où la lampe était déjà allumée. Je vis un jeune homme et une jeune fille qui causaient ; il était assis, son chapeau sur la tête. Je ne distinguai d’elle d’abord qu’une auréole de cheveux blonds, à travers laquelle brillait la lumière, tandis qu’elle se tenait debout très près de l’homme, qui paraissait la taquiner. Leur conversation se faisait à voix basse, mais de temps en temps éclatait un cri familier, à demi vulgaire, à demi affectueux. Quand nous eûmes pris nos places à table, Mrs Moss nous présenta les uns aux autres : — Voilà miss Ida, ma pensionnaire depuis plus d’un an, et celui-ci, — montrant du doigt le jeune homme assis à côté d’elle, un bras passé négligemment sur le dossier de sa chaise, — celui-ci est le prétendu de miss Ida.

Le reste de la maisonnée comprenait un chien, un serin et un homme d’une soixantaine d’années, M. Moss. Entre lui et sa femme régnait la même bonne intelligence que j’avais eu déjà l’occasion d’observer parmi les couples peu fortunés de la génération précédente.

Mrs Moss veille tendrement sur son mari, le suit jusqu’à la porte, une main sur son épaule, et lui crie quand il s’en va travailler : — Adieu, Moss, prends bien soin de toi ! — Elle s’occupe du ménage et de la cuisine, appartient à une confrérie religieuse et n’a jamais, dit-elle, éprouvé le besoin de se glisser au moyen des œuvres dans la société.

Miss Ida se montre obligeante. Elle dit que l’on a besoin d’ouvrières à la fabrique où elle est occupée et qu’elle parlera pour moi, si je le désire.

Cette offre fait partie de l’étiquette confraternelle qui unit les petits dans leurs efforts et leurs souffrances.

Plus tard, quand miss Ida et son prétendu nous ont quittés, Mrs Moss me dit :

— Ce jeune homme n’est pas fort. Il a eu l’appendicite et n’a pu travailler pendant longtemps. Chaque fois qu’il s’y remet, la peau éclate à l’endroit où on l’a opéré.

— Vont-ils se marier bientôt ?

— Oh ! ils n’y pensent pas pour le moment. A quoi bon se presser !