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force extérieure qui le fléchit lentement. Les moyens par lesquels une barre d’acier résiste à l’étirement ont été assimilés à des procédés de défense, appropriés à leur but. Et M. Ch.-Ed. Guillaume a parlé, quelque part, de la « résistance héroïque » d’un barreau d’acier au nickel. L’expression de « défense » a encore été prononcée à propos de la manière dont se comportent le chlorure d’argent ou l’iodure d’argent frappés par la lumière, On n’a pas craint de se servir du mot de mémoire concurremment avec celui d’hystérésis pour désigner la façon dont se comportent des corps soumis à l’action du magnétisme ou de la torsion.

Sans doute M. H. Bouasse se déclare, ainsi que les physiciens mathématiciens, contraire à l’emploi de ces expressions imagées. Mais il donne cependant une sorte de crédit suffisant à cette dernière en reconnaissant que : « les propriétés des corps dépendent, à chaque instant, de toutes les modifications antérieures. » N’est-ce pas dire qu’ils gardent, en quelque sorte, le souvenir et l’imprégnation de leur évolution passée ? Et c’est ce que dit expressément Boltzmann : « Le fil tordu se souvient, un certain temps, des déformations subies. Ce souvenir s’efface plus ou moins lentement. »

En somme, ce sont les physiciens eux-mêmes qui ont signalé des rapprochemens entre la manière d’être de beaucoup de corps bruts, et celle des corps vivans. Ces analogies ne peuvent naturellement prétendre, en quoi que ce soit, à servir d’explications. La tendance régulière est de ramener le fait vital au fait physique. C’est toute l’ambition du physiologiste. Mais l’inverse serait déraisonnable, et ce n’est pas ce que l’on prétend faire. Il n’en est pas moins vrai que les analogies sont bonnes à signaler, ne fût-ce que pour ébranler la confiance que l’on accorde, depuis Aristote, à la division des corps de la nature en psuchia et apsuchia, en corps vivans et corps bruts.


I

Le moyen le plus simple de juger de l’activité laborieuse de la matière paraît être de l’observer dans le cas où la liberté de chaque particule n’est pas gênée par le voisinage ou le contact des autres. On regardera donc au microscope des grains de poussière en suspension dans un liquide, des globules d’huile en suspension dans l’eau. — Or, le résultat d’un tel examen est bien connu de tous les micrographes. On constate, si ces granulations sont assez petites, qu’elles ne restent jamais en repos. Elles sont animées d’une sorte de tremblotement