Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 12.djvu/722

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Tout cela est possible. Si les pessimistes ont raison, nous serons bien obligés de prendre le parti devant lequel nous avons reculé aujourd’hui, et qui ne serait alors qu’ajourné. Le traité répond peut-être à une situation transitoire : il ne dépend pas de nous seulement de le faire durer, et nous ne le ferons certainement pas au-delà de ce qu’exigeront le respect de nos droits et de nos intérêts.


Il vient d’y avoir, en Espagne, une crise ministérielle dont le résultat a été une surprise. On s’attendait à un changement profond, et M. Sagasta n’a fait qu’une fausse sortie. Est-ce bien ce qu’il avait d’abord voulu faire ? Dans ce cas, il n’était peut-être pas nécessaire de provoquer une crise qui a porté sur le Cabinet tout entier, puisque le Cabinet tout entier a donné sa démission, pour aboutir en fin de compte au remplacement de trois ministres, d’autant plus que le nom des entrans n’apporte pas une indication politique sensiblement différente de celui des sortans. La situation reste à peu près la même qu’auparavant : il est tout aussi difficile de dire dans quel sens M. Sagasta gouvernera. Le plus clair résultat de la manœuvre qu’il vient de faire est d’avoir éveillé chez certaines personnes des espérances et des ambitions qu’il n’a pas satisfaites ensuite. Il a provoqué par là des mécontentemens dont quelques-uns, comme celui de M. Romero Robledo, paraissent devoir être implacables. M. Sagasta éprouvait sans doute une difficulté de vivre comme il était ; puis il a éprouvé une impossibilité de vivre autrement ; et alors il a repris ses premières positions. C’est sans doute ainsi qu’il faut expliquer la crise, mais ce n’est pas la justifier.

Les difficultés qui ont précédé la crise devaient être grandes ; puisque M. Sagasta, malgré son expérience et son habileté consommées, n’avait pas réussi à les surmonter. Il les avait, au contraire, compliquées et augmentées, ayant perdu successivement l’aile gauche de son parti avec M. Canalejas, et son aile droite avec M. Maura. Cela tient à des causes multiples, dont la principale est que M. Sagasta, après avoir adopté une politique, ne l’a pas suivie. Il a eu raison de ne pas la suivre, s’il l’a jugée mauvaise ; mais alors il aurait mieux fait de ne pas l’adopter à l’origine, ou d’y renoncer complètement après en avoir reconnu l’erreur. Il est homme de demi-mesures, de conciliation, de transaction, merveilleux aux affaires lorsque ces moyens y suffisent, mais moins bon lorsqu’ils n’y suffisent pas, parce qu’il ne sait pas en changer.

La politique qu’il avait adoptée ressemblait beaucoup à celle de