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M. Waldeck-Rousseau, car M. Waldeck-Rousseau a trouvé plus d’imitateurs encore au-delà des frontières qu’en deçà, et l’Espagne n’est pas le seul pays d’Europe où il ait fait école. On a donc voté en Espagne une loi sur les associations, ou plutôt sur les congrégations, à peu près calquée sur la nôtre. A supposer que celle-ci nous convînt, c’était déjà une raison pour qu’elle ne convînt pas à l’Espagne ; mais, en réalité, elle ne convenait ni à nous, ni à elle, et M. Sagasta, en ce qui le concerne, n’a pas tardé à s’en apercevoir. La loi obligeait les congrégations à demander l’autorisation dans un délai donné. Quand le délai est arrivé à son terme, beaucoup moins de congrégations que chez nous avaient demandé à être autorisées : elles étaient fort tranquilles, sachant que le gouvernement négociait avec Rome à leur sujet. Nous sommes loin de l’en blâmer, car c’est, à notre avis, ce que nous aurions dû faire nous-mêmes ; mais les radicaux espagnols ne l’ont pas entendu ainsi, et M. Canalejas a exigé qu’on procédât immédiatement à la dissolution des congrégations qui ne s’étaient pas mises en règle avec la loi. La majorité du Conseil des ministres n’ayant pas été de son avis, il s’est démis de son portefeuille, et est allé faire très bruyamment en province une campagne d’agitation oratoire. M. Maura, au contraire, est un modéré : il trouvait trop avancée la politique de M. Sagasta, que M. Canalejas trouvait trop conservatrice, et lui aussi s’est séparé du gouvernement. Cette double défection devait affaiblir le Cabinet ; cependant on se demandait ce que serait sa première rencontre avec les Cortès. Elle a été mauvaise. Le parti conservateur, ou du moins sa fraction orthodoxe, représentée par M. Silvela, avait jusqu’alors laissé vivre le ministère, estimant que le jour de le renverser et de le remplacer n’était pas encore venu : mais on s’est aperçu dès la rentrée que les dispositions de M. Silvela étaient modifiées, et le discours qu’il a prononcé a été interprété comme une déclaration de guerre au Cabinet. C’est alors que celui-ci a donné sa démission ; au premier moment, elle a paru définitive ; beaucoup de journaux, en Europe, ont cru que la carrière politique de M. Sagasta était terminée. Il n’en était rien. Le jeune roi Alphonse XIII, auquel on attribuait des tendances conservatrices très prononcées, et qu’on avait vu parcourir l’Espagne avec un entourage très médiocrement libéral, a comblé M. Sagasta de sa confiance au point de l’en accabler. A deux reprises différentes, il a insisté auprès du vieil homme d’État pour qu’il restât à la tête du gouvernement, en lui laissant toute liberté dans le choix de ses collaborateurs, et aussi dans l’exécution de son programme, s’il parvenait à en avoir un. M. Sagasta