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inexpugnable, il est devenu demandeur. Manifestant son désir d’en finir, il déplaçait lui-même les rôles à son désavantage.

Sauf en ce qui touche l’article premier par lequel le gouvernement siamois renonce à toute prétention sur les territoires de la rive gauche du Mékong et les îles du fleuve, le nouvel accord fait table rase du traité de 1893 et de la convention annexe.

Nous cédons aux Siamois les deux belles provinces cambodgiennes de Battambang et de Siam-Reap ; nous abandonnons la zone réservée qui couvrait nos frontières, territoires d’une superficie de 23 800 et de 37 500 kilomètres carrés, ensemble 61 300 kilomètres carrés.

Les eaux du Mékong et du Grand Lac cessent d’être exclusivement françaises et nous reconnaissons implicitement aux Siamois le droit d’y arborer leurs couleurs. Une note de l’Agence Havas fait bien remarquer que, le nouveau traité n’abrogeant pas l’article 2 de l’ancien, l’interdiction de faire circuler des embarcations armées continue à subsister. Mais les articles 3 et 4, qui déterminent les limites de cette interdiction, étant supprimés, la clause ne disparaît-elle pas d’elle-même ? C’est ce que semble indiquer le nouvel article 4, accordant au gouvernement siamois le droit de construire des ports et des canaux sur le Mékong et le Tonly-Sap. Du reste on ne voit pas comment les Siamois relèveraient leurs garnisons de la rive droite, si l’usage du fleuve leur était interdit. Dans un traité qui a la prétention de supprimer les causes de conflit, de pareilles équivoques ne devraient pas exister. Quoi qu’il en soit, le jour prochain où, avec le concours de nos ingénieurs, seront construits les 200 kilomètres de voie ferrée qui séparent Battambang de la ligne Bangkok-Korat, nos voisins pourront monter des canonnières sur les rives du Tonly-Sap et aux hautes eaux, en cas d’une guerre de la triple alliance anglo-japonaise-siamoise, prendre à revers les défenses de la Cochinchine. Il y a là pour la colonie un véritable péril. Sans doute, l’article 3 spécifie que les garnisons de la vallée du Mékong seront exclusivement siamoises. Nous n’apercevons pas les garanties nouvelles que nous donne cette restriction : elle ne modifie rien à l’état actuel, mais nous apprend que le gouvernement royal se réserve d’entretenir dans le reste du Si ; m des garnisons étrangères.

Au point de vue fiscal et douanier, les finances locales subiront des pertes sérieuses, Bientôt les pêches du Grand Lac iront