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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 12.djvu/75

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s’embarquer à Bangkok, qui fournira le sel et les cotonnades. Battambang deviendra un centre actif de contrebande que nous serons impuissans à réprimer.

Autant dire qu’au Siam nous renonçons à la protection de nos sujets asiatiques. Comment, dans un pays où n’existe pas d’état civil, où la nationalité de l’individu s’établit par son caractère ethnique, par sa race, démontrer aux autorités locales qu’un Annamite ou Laotien est fils et non petit-fils d’un émigré ?

Nous replaçons les Cambodgiens, même les simples voyageurs, sous la juridiction siamoise prévue à l’article 5 du traité du 15 juillet 1867, ainsi conçu : « Si des sujets cambodgiens se rendent coupables de délits ou crimes sur le territoire siamois, ils seront jugés avec justice par le gouvernement siamois selon la loi de Siam. » Nous récompensons bien mal la fidélité constante de nos sujets.

De même les Chinois déjà inscrits sur les contrôles de la légation française seront soumis à la loi siamoise et jugés par les tribunaux de Siam. Le traité a donc un effet rétroactif et prive nos protégés, dont beaucoup ont payé un droit d’inscription assez élevé, des garanties que nous leur avions promises.

Aussi l’article 7, nous accordant le traitement de la nation la plus favorisée en ce qui concerne l’admission à la protection des Asiatiques qui ne sont pas nés sur notre territoire, était bien inutile. Après notre manque de parole et l’abandon des protégés déjà inscrits, pas un Asiatique ne se réclamera de la France. Tout au moins aurait-il fallu introduire des dispositions transitoires qui eussent respecté les droits acquis et mis nos cliens à l’abri des vengeances siamoises.

On objectera que l’Angleterre a accepté ce régime, mais la condition de ses sujets est toute différente ; les Birmans et les Malais ne se fixent pas définitivement au Siam et les protégés chinois, venant généralement de Singapore, sont naturalisés ou nés sujets britanniques.

Au nord, la nouvelle délimitation fait perdre au roi de Luang Prabang une de ses provinces de la rive droite, d’une superficie de 200 kilomètres carrés, dont nous n’avons pas le droit de disposer.

Il semble vraiment que, dans ce traité, le négociateur siamois se soit attaché à châtier tous les Asiatiques d’où qu’ils viennent,