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gouverneur, y est nommé par le Président des États-Unis au lieu d’être élu par le peuple comme il l’est dans les États, les Territoires ont, comme ceux-ci, deux assemblées élues qui délibèrent sur toutes les questions locales. Le Congrès possède, il est vrai, le droit d’annuler toutes leurs décisions, à quelque sujet que ce soit, et de mettre en vigueur, de sa propre autorité, toute mesure qu’il juge utile. Mais ce pouvoir n’est pas appliqué dans la pratique, sauf de très rares et très exceptionnelles circonstances. En fait, sinon en droit, les habitans des Territoires ont autant de libertés locales que ceux des États. En revanche, ils n’ont aucune influence sur la politique fédérale, n’ayant ni votes au Congrès, ni voix aux élections présidentielles. En ce qui concerne les droits civils, il n’avait jamais été contesté qu’ils jouissent pleinement de toutes les garanties accordées par la Constitution, laquelle a toujours été considérée, ainsi que le dit M. Bryce, comme la loi fondamentale de chaque Territoire, aussi bien que de chaque État.

Il est tacitement convenu, d’ailleurs, que cette situation de Territoire n’est qu’une sorte de noviciat, de stage préliminaire et que tout Territoire doit nécessairement, dès qu’il a pris quelque consistance, être transformé en État, comme la chrysalide se transforme en papillon. Il n’existe pas de règle précise fixant le moment de son admission, et le nombre des habitans n’entre pas seul en jeu : avant l’abolition de l’esclavage, on s’efforçait de maintenir une balance exacte entre les États à esclaves et les États libres ; depuis il est souvent arrivé que le parti au pouvoir a retardé ou hâté quelque peu l’érection d’un Territoire en État selon qu’il comptait ou non sur ses votes. Quoi qu’il en soit, il ne s’est jamais, en fait, écoulé dix ans entre le moment où un recensement fédéral a constaté dans un territoire un chiffre de 100 000 habitans et le moment de son élévation au rang d’État[1]. Deux exceptions seulement ont été faites à cette règle : l’une pour l’Utah, pays des Mormons, qui n’a été admis, non sans de longues hésitations, qu’en 1894, après avoir inscrit dans sa Constitution un amendement interdisant la polygamie ; l’autre en ce qui concerne le Nouveau-Mexique, parce qu’une grande partie de sa population est formée de métis d’Indiens et d’Espagnols et qui reste encore simple Territoire.

  1. Certains territoires ont même été constitués en État, sans avoir plus de 30 à 40 000 habitans.