Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 7.djvu/169

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’exaltation voluptueuse et sentimentale. Dire, — transformation des genres : — l’épopée est devenue roman, c’est dire : en ce peuple, le besoin de conter et d’entendre conter est le même ; mais ce peuple est devenu vulgaire et un peu puéril. Dire, — reconstitution des genres primitifs : — à telle époque, on a essayé de revenir au genre lyrique pur, à l’épopée homérique, au drame en son intégrité et en sa complexité antique, c’est dire : à telle époque, il y a eu, au moins dans les imaginations, une renaissance, une recrudescence, un retour à la jeunesse et une volonté de revenir à l’âge de jeunesse, d’audace et de force, très significative et très sérieuse, et je crois que je viens de donner une définition acceptable du romantisme français et la raison pourquoi il est arrivé après la Révolution et l’Empire.

Ainsi de suite, et vous pouvez continuer le jeu, qui probablement est un jeu.

Mais, cependant, s’il en est ainsi, on ne voit pas pourquoi la méthode est si admirablement applicable à l’époque classique de la littérature grecque que, quand on s’occupe de ce temps, elle s’impose ; mais qu’elle ne peut plus s’appliquer aux époques suivantes. Elle doit s’y appliquer, et, seulement, appliquée à celle-ci, elle sera plus intéressante, parce qu’elle sera d’un maniement plus délicat.

Quoi qu’il en soit de cet étonnement que m’inspire cette réserve de M. Henri Ouvré, à l’époque qu’il a étudiée il a appliqué sa méthode avec sagacité, adresse et savante exactitude. Il ne se targue pas de tout expliquer par cette méthode ou ce procédé ; car, pour qu’il le pût faire, même approximativement, il faudrait qu’il fût intervenu un Aristote « qui nous eût donné avec toutes les ressources de la connaissance moderne un traité de la production et de la destruction, qui eût classé les existences et déterminé leurs façons d’apparaître, de se maintenir et de s’effacer. » Mais, sentant bien cependant, ou entrevoyant déjà, à en peu douter, que « le vivant est le premier terme d’une hiérarchie où se placent à leur rang la société, l’espèce animale ou végétale, le corps d’ouvrages qui composent un genre littéraire, le corps de notions qui composent une grande doctrine philosophique ou scientifique, » il voit assez nettement que « les derniers ensembles sont beaucoup moins homogènes que les premiers, et, phénomène essentiel, qu’ils le sont d’autant moins qu’on avance dans la série chronologique. » De là la