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c’en était fait de la maison d’Autriche, il se fit l’instrument de la vaste conjuration calviniste et libérale dont il se croyait le chef.


Il avait affaire à forte partie. Avant la mort de Mathias, la maison d’Autriche avait pris ses précautions et, par de sages arrangemens de famille, elle avait ramassé tous les titres et toutes les chances sur la tête d’un de ses membres, Ferdinand de Styrie, cousin de l’Empereur. Celui-ci était le héros catholique par excellence. Sa mère, Marie-Anne, était fille de cet Albert V, duc de Bavière, qui avait tant fait pour la cause romaine en fondant, à Ingolstadt, le premier collège de Jésuites (1555). Ferdinand était lui-même élève des Jésuites. On peut dire que c’est le triomphe de l’Ordre d’avoir préparé deux princes comme Ferdinand d’Autriche et Maximilien de Bavière. A eux deux, ils changèrent certainement les destinées de l’Allemagne. Les progrès du protestantisme dans cette contrée avaient été tels, en effet, que Rome avait pu croire, un moment, que sa cause était perdue là comme dans tous les pays du Nord. Ce furent les Jésuites qui se jetèrent en travers du torrent et qui l’arrêtèrent. Loyola avait écrit, en 1553 : « Notre Compagnie doit se porter avec un dévouement particulier, d’après la faible mesure de nos forces, au secours de l’Allemagne que le mal de l’hérésie expose au plus grand danger. » Le succès avait dépassé ses espérances.

Ferdinand était un prince froid, concentré, inébranlable, impassible, plein de confiance dans son droit, dans sa cause et dans sa mission. Dans un pèlerinage à Notre-Dame de Lorette, il avait fait vœu de maintenir la religion catholique dans ses États : Dieu ne pouvait l’abandonner. C’était un mystique calculateur. Il avait la figure longue et forte, le menton des Habsbourg avec la moustache et la barbiche, le front haut et couturé, l’œil terne et intérieur. Homme de cabinet et de confessionnal, il se livrait, par une volonté réfléchie, à la direction des Jésuites et donnait ainsi une grande unité de mouvement à la campagne engagée, partout à la fois, contre le protestantisme. Vienne, Madrid, Lisbonne, Paris et Rome étaient en communication constante par les allées et venues des Pères, qui se déplaçaient rapidement, se dépaysaient facilement, se mêlaient de tout, se renseignaient sur tout, connaissaient l’intérieur des familles, les secrets des consciences royales, se substituaient, autant qu’ils le pouvaient, aux anciens ordres en s’attribuant leurs richesses,