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résume pas encore tout ce qui émane du corps radio-actif. Il y a une autre émission par laquelle le corps communique sa radio-activité aux corps voisins. On peut l’appeler l’émanation radio-inductive ou l’émanation de Curie. Celle-ci ne s’étend pas en ligne droite ; ce n’est pas un rayonnement. Quelque chose s’échappe du radium, qui gagne de proche en proche, en suivant les particules d’air. Si le corps est placé dans un vase clos, tous les points de l’espace qui l’entoure et tous les objets qui y sont contenus sont lentement et successivement atteints. Les choses se passent comme si le corps radio-actif émettait un gaz ou une vapeur diffusant dans tout l’espace qui leur est offert, et, comme si tout point touché par ce gaz ou cette vapeur acquérait la radioactivité. On peut encore comparer cette émission au mode de propagation de la chaleur par conduction, en l’opposant au mode par rayonnement. Les rayons de Becquerel correspondraient, dans cette manière de voir, à la chaleur rayonnante ; l’émanation de Curie à la propagation par conduction de proche en proche, Toujours est-il que ce cheminement n’a pas lieu dans le vide et que le phénomène d’induction ne s’y produit pas. Le cheminement n’a pas lieu non plus à travers des lames minces de verre ou de mica. En général, la propagation (ne se fait pas à travers les corps solides, — et c’est là une différence avec la conduction du calorique.

Hors ces cas, il est permis de dire que tous les corps deviennent radio-actifs. Il suffit de les enfermer dans un vase de forme quelconque avec un sel de radium solide’ ou avec sa solution. Dans ces conditions, certains d’entre eux deviennent même lumineux : les corps fluorescens et phosphorescens s’illuminent lorsqu’ils sont ainsi placés dans une enceinte activante.

MM. Curie et Debierne ont réalisé, en utilisant cette émanation d’induction, de très belles et très curieuses expériences. Imaginons deux ballons placés dans deux pièces différentes — et communiquant entre eux par un tube transversal (fût-il capillaire) qui traverserait la cloison. L’ensemble des deux vases et du tube forme une enceinte close, activante. Dans l’un des ballons, on a mis quelques milligrammes de radium ; dans l’autre, on a déposé une substance phosphorescente, du sulfure de zinc par exemple. Celui-ci devient extrêmement brillant, et cet éclat lumineux, qui, vu la forme du récipient, ne peut provenir de la radiation rectiligne du radium enfermé dans le deuxième ballon, se maintient aussi longtemps que subsiste la communication des deux ballons entre eux.