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catégorie, et celle-ci elle-même est fort hétérogène. Dans son ensemble, c’est une émission assez semblable à celle des rayons X. Mais l’on peut y distinguer deux ordres de radiations composantes : les unes très absorbables, les autres très pénétrantes. Les radiations très absorbables sont, conséquemment, très actives photogéniquement. Elles traversent une lame mince d’aluminium ; mais une feuille de papier noir suffit à les arrêter, elles n’engendrent que très peu de radiations secondaires. La plus grande partie de la radiation du polonium est de cette espèce.

Le second groupe non déviable comprend des rayons extrêmement pénétrans que M. Villand a bien étudiés. Ils sont capables de traverser une assez grande épaisseur du métal opaque par excellence, le plomb, et plusieurs lames superposées de verre, autre barrière très résistante. Ils sont abondans dans l’émission de l’uranium et celle du radium. Ils donnent naissance, facilement, à des rayons secondaires analogues à ceux de M. Sagnac.

C’est précisément cette production possible de rayons secondaires qui rend si difficile l’analyse du rayonnement de Becquerel. On ne sait pas si toutes ces radiations, qu’une expérimentation subtile parvient à déceler, sont simultanées, indépendantes et contemporaines, ou si quelques-unes sont engendrées par les autres.

Quant à l’énergie totale mise en jeu dans ces phénomènes, elle a pu être évaluée, au moins pour la partie déviable de la radiation. En mesurant, en premier lieu, la déviation magnétique produite par un aimant connu, en second lieu, la déviation électrostatique, provoquée par une charge déterminée, on a pu avoir une idée de la grandeur de l’énergie mise en jeu et dépensée dans le rayonnement du radium. Cette perte, pour une couche de matière de 0cm, 2 d’épaisseur et de 1cq de surface, a été trouvée égale à 5 unités C. G. S, c’est-à-dire à quelques dix millionièmes de Watt. À ce jeu, il faudrait un milliard d’années pour que la perte de masse due à la matière transportée devienne appréciable à nos instrumens de mesure. Et c’est ainsi, dans la perte d’une quantité très faible de matière et d’énergie, que se résout le paradoxe posé par la permanence du rayonnement des corps radioactifs.


A. DASTRE.