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rien n’a survécu. Ce n’est pas que son nom ne vienne, tout d’abord, flotter sur nos lèvres en présence de certaines œuvres contemporaines ; dans le beau plafond de la chapelle Jacques Cœur, à Bourges, les anges sourians, petits-fils de Van Eyck, sont des anges de famille ; comme ceux de Fouquet, ils ont respiré, en passant, l’air subtil de Toscane ; dans le triptyque de l’église Saint-Antoine, à Loches, la Marche au Calvaire, le Crucifiement, la Mise au tombeau, c’est encore plus la clarté vive de Fouquet dans les ordonnances, son naturalisme franc et ingénieux dans les types et les expressions, et, si l’on n’y peut voir, à cause de la date (1485) un peu postérieure à celle de sa mort, une œuvre complète de sa main, on doit au moins y reconnaître des panneaux dessinés par lui et terminés par ses fils. Beaucoup d’autres débris du passé, vestiges de fresques ou fragmens de verrières, dans la région tourangelle, peuvent éveiller aussi le même souvenir. Néanmoins, ce ne sont point là des œuvres assez authentiques, ou suffisamment personnelles, pour qu’on y veuille chercher des preuves certaines de son génie.

Cinq tableaux peints, une centaine de miniatures, voilà, en somme, le seul bagage incontestable qu’on puisse, jusqu’à présent, restituer au peintre royal, si célèbre et si fécond. Hâtons-nous de dire que ses prédécesseurs ou successeurs dans la faveur des rois (maries VII et Louis XI, Pierre Hennés, Jacob de Litemont, Henri Mellin, Coppin Delft, Jehan Perréal, Jehan Poyer, Jehan Bourdichon, ont été plus maltraités encore par notre indifférence. Des quatre prémices, aucune trace ; quant aux trois derniers, les ouvrages qui leur ont été rendus, le Tombeau de François II de Bretagne dans la cathédrale de Nantes, dont les projets, exécutés par Michel Colombe, sont dus à Jehan Perréal, et le Livre d’heures de la reine Anne de Bretagne, enluminé par Bourdichon et Poyer, suffisent sans doute à nous expliquer leur renommée ; toutefois cette beauté même ne peut que grossir en nous le regret de ne point connaître les autres travaux dus aux mêmes artistes, travaux si nombreux et si importans.

Les cinq panneaux de Fouquet, même celui qui représente un sujet religieux, la Vierge et l’Enfant, sont des portraits ; or, nous le savons, c’est le portraitiste surtout qu’admirèrent en lui Filarete, Florio, tous ses contemporains. C’est un bonheur, sans doute, mais bien incomplet, puisque, dans la série, ne se retrouve point le plus célèbre, le Portrait d’Eugène IV. C’était,