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qui seront élus par le peuple aient le commandement absolu. » Par un coup droit à l’adresse du roi de France, le défenseur de la cause impérialiste cite l’exemple des huguenots de France : « Que prétendent-ils donc, aussi ? n’ont-ils pas ensemblement conspiré, fait des assemblées secrètes et collectes de deniers afin d’ébranler, s’ils pouvaient, le royaume de France et de rendre la puissance des rois énervée ? » Et il conclut avec force : « Qui défend les rebelles, il apprend à ses propres sujets à se révolter. Qui prête l’oreille aux étrangers qui calomnient leur magistrat, il ouvre la porte aux séditions intestines, et, si vous portez secours aux rebelles contre leur Roy, quand ils auront vaincu leur naturel seigneur, ils armeront les vôtres contre vous. »

Un exposé aussi complet et aussi pénétrant de la situation générale de l’Europe, un appel aussi grave à la solidarité monarchique et catholique, ne pouvaient être réfutés que par la considération des intérêts particuliers et pratiques de la politique française. C’est ce point de vue réaliste que Bouillon développa dans le mémoire extrêmement adroit et véritablement diplomatique qu’il soumit à Louis XIII. Il se garde de découvrir toute sa pensée : On vous trompe, sire ; on veut transformer une lutte d’intérêts, à laquelle vos ancêtres ont pris part, en un débat de doctrines. La vérité est que la maison d’Autriche, accablée sous le poids des hostilités que son ambition a suscitées, prête à succomber, fait appel aux principes, quand la force lui manque La bête est aux abois ; un seul effort, et la grande campagne engagée contre elle va s’achever par un succès éclatant. Elle essaye de s’échapper par cet habile subterfuge. Quelle témérité de joindre le sort de la religion catholique ou de la cause monarchique à celui de la maison d’Autriche ! En ce moment, un prince qui fut, de tous temps, des alliés de votre maison, poursuit la campagne commencée par les François Ier, les Henri II, les Henri IV. Aidé de ses alliés, il traque la bête et la tient sous ses pieds. Est-ce le moment que vous allez choisir pour venir en-aide à votre mortel ennemi ? On vous prie d’intervenir : d’accord, intervenez. Demandez la tenue d’une Diète, recherchez, du commun consentement, les moyens les plus propres à établir la paix, à rassurer les consciences, s’il le faut, même à raffermir l’autorité de l’Empereur ébranlée ; mais que cela soit fait par vous, sans rien changer à la ligne politique adoptée par vos ancêtres, sans rien abandonner de votre