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ressentiment qui avait pu subsister s’évanouit, l’obéissance du peuple fut assurée[1]. Et l’auteur de la République américaine d’en conclure ; — quelle autre conclusion serait plus saisissante ? — « La Cour Suprême est, aux Etats-Unis, comme une sorte de Mecque vers laquelle les visages des Croyans sont tournés. »


III

Ainsi conclut M. James Bryce ; mais, nous-mêmes, que devons-nous conclure de sa conclusion ? C’est qu’aux Etats-Unis, en matière constitutionnelle, on tient pour un axiome, pour un dogme politique auquel l’Union demeure fermement attachée, qu’une assemblée législative ne peut pas excéder ses pouvoirs ; que, si elle le fait, ses prétendues lois ne sont pas des lois, sont dépourvues de toute sanction. Et c’est que, par l’action de la Cour Suprême, le parlementarisme américain est un parlementarisme limité, tandis que le parlementarisme anglais et ses imitations, ses déformations, — presque toutes, ou toutes plus ou moins, — sont du parlementarisme illimité.

La question, pour nous, est donc de savoir d’abord si le parlementarisme américain est préférable au parlementarisme anglais ; autrement dit, si le parlementarisme limité vaut mieux que le parlementarisme illimité. Puis, dans le cas où, en effet, il vaudrait mieux, elle serait alors de savoir jusqu’à quel point nous pouvons, nous Français, rapprocher du parlementarisme américain notre parlementarisme modelé sur le parlementarisme anglais ; autrement dit, comment nous pourrions transformer en parlementarisme limité notre façon ou contrefaçon de parlementarisme illimité.

Premièrement, l’un vaut-il mieux que l’autre, et gagnerions-nous à l’opération ? Quand on songe à la médiocrité d’âme et d’esprit, à l’ignorance, à l’incohérence, à l’incompétence des Chambres issues du suffrage universel inorganique, à l’inclination vers l’omnipotence, au penchant vers le despotisme, de toute majorité sans frein ni contrepoids, la réponse n’est point douteuse. Oui, le parlementarisme limité vaut mieux que le parlementarisme illimité, et non seulement l’opération serait avantageuse, mais elle est nécessaire. En mettant les choses au

  1. James Bryce, ouvrage cité, t. I, p. 380-381.