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à faire acte de déférence vis-à-vis du sultan en lui envoyant une ambassade. A mesure de nos progrès vers le sud, les liens se resserrèrent entre la cour de Fez et les Djemaâ des oasis : c’est en 1883 seulement, après notre installation définitive à Aïn-Sefra, à 113 kilomètres de Figuig, qu’un caïd marocain vint résider dans le ksar d’El-Oudarir ; bien mieux, c’est à la demande de M. Féraud que cette mesure fut prise ; notre ministre à Tanger crut sans doute trouver là un moyen efficace de surveiller ce nid de réfugiés et de coupeurs de routes qui suscitaient à chaque instant des difficultés entre l’Algérie et le Maroc. L’autorité de ce caïd est d’ailleurs plus nominale qu’effective ; Zenaga, le plus grand ksar de l’oasis, a son caïd particulier ; et les ksouriens n’obéissent guère qu’à leurs djemaâ. Ainsi, même aujourd’hui, bien faible est dans toute la région l’autorité réelle de l’empereur du Maroc.

Très peu instruit, en général, des questions coloniales, le public français, parfois, pour des raisons mystérieuses, s’intéresse jusqu’à l’engouement à quelques points de notre empire. Figuig, comme Tombouctou, a eu cette fortune ; et l’on s’indigne encore volontiers, parmi ces « coloniaux, » si nombreux chez nous, qui ont plus de bonne volonté que de lumières, de n’avoir pas encore appris l’entrée de nos soldats à Figuig. Il s’en faut que l’oasis ail par elle-même toute la valeur qu’on lui prête si facilement ; tous les ksour réunis comptent moins de 2 000 maisons et ne peuvent pas armer 4 000 hommes, fantassins ou cavaliers ; des dattes, quelques figues, quelques légumes, un peu d’orge et de blé, qui ne suffisent même pas à la consommation des habitans, une industrie satisfaite de pourvoir aux besoins locaux, voilà à peu près toute la richesse de Figuig ; et en vérité notre domaine algérien est assez beau pour que nous nous consolions facilement de n’y pas ajouter quelques milliers de palmiers et quelques centaines d’habitans. Mais Figuig occupe, au débouché des principaux passages du Djebel-Amour, au point où les grands ouadi de la montagne se réunissent pour former cet oued Zousfana et, plus loin, cet oued Saoara dont le, lit trace la route la plus directe de la province d’Oran et du Maroc oriental vers le Touât et vers le Niger, une position qui la rend gênante pour notre expansion. Elle est le grand centre de la vie et du commerce du sud-ouest ; elle s’élève, comme un bastion, sur le flâne de la province d’Oran et, le jour où un adversaire