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bien organisé l’occuperait, notre domination sur les Hauts-Plateaux serait compromise et notre marche vers le sud menacée. A Figuig est le carrefour des routes du sud et de celles qui mènent, à l’ouest, vers l’oued Guir et, plus loin, vers le Tafilelt et le pays des Berâber, plus loin encore, vers Marrakech et les plaines atlantiques. Les fugitifs, les nomades en rupture de tribu, y accourent comme vers un asile sur ; les Doui-Menia et les Beni-Guil y ont des intérêts et viennent y trafiquer. Les principales confréries religieuses de l’Afrique du Nord-Ouest y comptent des adeptes, et de nombreux tolba étudient à la mosquée d’El-Maïz. En somme, Figuig, au sud de l’Atlas, est une importante place de commerce, un centre d’attraction ; elle tourne sa vie économique, politique et religieuse à la fois vers le Sahara, dont les routes s’ouvrent devant elle, et vers le Maroc, où les cols de l’Atlas conduisent ses négocians et ses pèlerins.

A maintes reprises les gouverneurs de l’Algérie et les généraux commandant la division d’Oran ou le 19e corps, justement préoccupés de voir toutes les insurrections qui ont troublé les Hauts-Plateaux fomentées et secondées par les gens de Figuig, ont proposé un coup de main sur les oasis. Le général Deligny, après l’insurrection de 1861, préconisait déjà ce plan : « Dans ma conviction, écrivait-il le 15 janvier 1867, l’opération est très bonne, sera fructueuse en résultats et pourra clore pour des années l’ère des insurrections. » Au point de vue algérien, le général et son supérieur, le maréchal de Mac-Mahon, gouverneur général, avaient pleinement raison ; mais l’Empereur et le maréchal Niel, responsables de l’ensemble de la politique française et inquiets des conséquences qu’aurait pu avoir une pareille expédition, soit au Maroc même, soit surtout hors du Maroc, n’eurent sans doute pas tort de rejeter leurs propositions. Les complications extérieures furent évitées, mais, comme l’avait prévu le général Deligny, « le mal passa à l’état chronique. »

Plusieurs fois, au cours des années qui suivirent, nos colonnes, lancées à la poursuite de rebelles ou de pillards, parurent dans l’oasis ; le colonel de Colomb y passa au printemps de 1866 ; le colonel Colonieu y campa pacifiquement le 1er avril 1868, mais ils ne pénétrèrent jamais dans les ksour ; en 1870, le général de Wimpffen ne fut autorisé à entreprendre son expédition vers l’oued Guir qu’à la condition expresse qu’il ne passerait pas à Figuig. L’insurrection de 1882 vint démontrer combien était mal