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restaient sur le carreau. Le duc Ernest de Weimar et le jeune prince d’Anhalt, celui-ci grièvement blessé, étaient prisonniers. Le prince palatin, « roi d’un hiver, » ne s’était pas battu. Surpris par la défaite, il avait fui, en abandonnant Prague. Le 9 novembre 1620, l’armée catholique entrait dans la ville, et bientôt toute la Bohème faisait sa soumission.

Les ambassadeurs de France ne pouvaient pas en croire leurs yeux. Mais le fait était là ; il fallait bien comprendre sa portée. Alors, ils sentirent leur devoir grandir avec leurs responsabilités. Dans une lettre magistrale adressée au Roi, ils osèrent dévoiler l’erreur commise et conseillèrent de prendre exactement le contre-pied de la politique pour laquelle on les avait envoyés : ils montrent la grandeur de la Maison d’Autriche, soudain reconstituée : ils demandent qu’on l’arrête dans son triomphe. Ils rappellent leur gouvernement aux traditions, qui, en France, depuis François Ier et Henri IV, ont passé pour maximes d’Etat : « Car, enfin, si la Maison d’Autriche manioit à son gré et sans aucune contradiction le sceptre de l’Empire, elle répandroit la terreur par toute la Chrétienté. Chacun devroit être en garde contre le projet ambitieux et chimérique de la monarchie universelle. Il faut prévenir ce juste sujet de crainte par une résolution ferme et hardie de rompre l’entreprise sur le Palatin. »

Ils en sont là, maintenant. Ces gens envoyés pour secourir l’Empereur demandent qu’on l’arrête et qu’on l’attaque au besoin. Ils prévoient, de loin, ce qui doit se passer, c’est-à-dire l’agrandissement de la Bavière assuré par la protection de la Maison d’Autriche et, par conséquent, toute l’Allemagne du Centre placée sous l’influence de Vienne : « Ce qui seroit encore plus à craindre et à regretter seroit de voir porter la dignité électorale sur la tête du duc de Bavière, acquis depuis si longtemps, de père en fils, à la Maison d’Autriche. » Ils s’en prennent à « ceux qui voudroient voir régler les affaires d’Etat par les seuls intérêts et avantages de la religion catholique. » Ils affirment que l’intérêt du roi Louis XIII est de maintenir les « alliances » du roi Henri IV. Ils conseillent, enfin, d’intervenir en faveur du Palatin, et, au besoin, par les armes : « Le Roi, par les raisons précédentes, de son intérêt est convié et même tenu de favoriser le Palatin et de le sauver d’une ruine quasi inévitable. Il le doit, par le titre glorieux qu’il possède d’arbitre de la Chrétienté. Sa Majesté est conviée par toutes sortes de considérations d’amitié,