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leur répercussion dans tout le Sahara, tombait entre les mains de deux capitaines escortant un géologue, d’un goum de cent cavaliers et d’un escadron de méharistes. Ben-Badjouda, le caïd redouté des oasis d’In-Salah, dont la famille, depuis des siècles, dominait le Tidikelt et à qui le sultan du Maroc avait conféré une sorte d’investiture, était pris, grièvement blessé, dès le premier combat. Ainsi s’évanouissait le fantôme de puissance qui semblait depuis longtemps planer sur le désert.

En France, si la presse et l’opinion accueillirent avec joie la fin du cauchemar saharien, il semble bien que le gouvernement en ait été moins satisfait ; il aurait même, s’il faut en croire certains bruits, penché d’abord pour une évacuation, en tout cas, pour une action restreinte. Plus tard, devant la commission du budget, M. Waldeck-Rousseau reconnaissait « qu’au moment du premier combat, aucun projet d’extension de l’expédition n’était encore conçu. » Malgré tout, l’impossibilité de reculer encore une fois était si manifeste que, le 9 janvier, le Conseil des ministres décida de maintenir l’occupation d’In-Salah et approuva M. Laferrière, qui avait, sans tarder, prescrit l’envoi à In-Salah de la colonne légère d’El-Goléa ; mais il refusa de diriger des colonnes sur Igli et sur le Gourara. La nécessité de ces précautions militaires ne pouvait échapper cependant à qui a va il quelque connaissance des affaires sahariennes. Comment, en effet, ravitailler et renforcer les troupes occupant « l’archipel, » si l’on n’est pas maître des routes qui y conduisent, de celle de l’oued Saoura, en particulier, la plus directe et la plus facile ? Comment dominer le pays en toute sécurité, si l’on ne sépare les oasis des tribus du Tafilelt et du Maroc méridional, si l’on ne surveille le fossé occidental du Touât ? Comment encore occuper le Tidikelt sans le Touât qui y confine, sans le Gourara qui en est l’avenue ? Le gouvernement général de l’Algérie avait, dès l’occupation d’In-Salah, demandé que nos colonnes fussent autorisées à occuper tout le Tidikelt et à remonter ensuite par le Touât vers le Gourara. Le groupe colonial de la Chambre, présidé par M. Etienne, avait, lui aussi, réclamé nettement une marche sur Igli et le Gourara ; l’expérience, — une expérience coûteuse, — allait bientôt démontrer combien il voyait juste ; et cependant, quand les affaires du Touât vinrent en discussion devant la Chambre, il se trouva un député, M. André Berthelot, pour dire qu’ « entre l’occupation du Touât et celle d’Igli, il n’existe pas de