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impressions qu’ils avaient su faire naître dans l’esprit de Louis XIII.

Il pourrait, il est vrai, faire luire aux yeux du jeune roi l’honneur d’une intervention contre l’étranger, la hardiesse d’une campagne brusque contre l’envahisseur de la Valteline, la grandeur des intérêts en cause, la gloire de devenir, effectivement, l’arbitre de l’Europe et de réparer, d’un seul coup, l’échec d’Ulm et l’affront de la Valteline. Tous les hommes qui, autour de lui, ont gardé la tradition de la politique française le supplient, lui montrent la route et lui crient le devoir.

Mais il n’a ni le cœur assez haut, ni l’esprit assez large pour assumer de telles décisions. Il n’est pas homme de guerre, il n’est pas homme d’Etat ; il reste ce qu’il est, un favori, un fauconnier. La pression du parti catholique, l’assiduité du Nonce, l’habile et tortueuse politique de l’Espagne, la crainte du risque, et, il faut bien le dire, la funeste et inexplicable témérité du parti protestant, tout le pousse dans le sens où il s’est engagé déjà.

Il se détourne donc de l’affaire de la Valteline ; il biaise là, comme il a biaisé dans les affaires d’Allemagne. Pour les gouvernemens à court de résolution, l’envoi d’une ambassade est un moyen de gagner du temps. On a déjà envoyé une ambassade en Allemagne : avec quel succès, nous le savons. On se décide à en envoyer une autre en Angleterre et une autre en Espagne.

S’il s’agit de négocier, l’Espagne est sur son terrain. En attendant, elle détient le gage ; elle garde la Valteline ; le temps va désormais travailler pour elle. Elle peut voir venir les événemens : car Luynes, faisant largesse à sa propre erreur, se décide à engager les forces royales dans la difficile affaire du Béarn. Au moment même où une intervention énergique en Europe assurerait la prépondérance de la France, le déplorable favori rouvre la période des discordes civiles et, bientôt, l’ère des guerres de religion.


GABRIEL HANOTAUX.