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satisfactions insuffisantes. La Révolution arriva ; en 1790, une députation composée de Laharpe, Ducis, Lemierre et Champfort, demanda à l’Assemblée constituante que les auteurs eussent sur leurs œuvres un droit exclusif et absolu pendant leur vie, et que même droit appartînt, pendant cinq ans après leur mort, à leurs héritiers. Après un rapport favorable sur cette pétition et une discussion, à laquelle prirent part Maury, Mirabeau et Robespierre, fut votée la loi qui défendit, à peine de confiscation de la recette, de jouer une pièce sans la permission écrite de son auteur. Réunis, quelques semaines plus tard, dans la maison qu’habitait, près de l’ancienne Bastille, le père de Figaro, les écrivains en renom de l’époque ébauchèrent, d’un commun accord, les tarifs qu’une agence devait à l’avenir exiger des différens théâtres et centraliser à leur profit.

Cet accord ne reçut une forme définitive qu’en 1829, lorsque fut fondée, sur l’initiative de Scribe, l’association actuelle ; il ne prit une valeur légale qu’à dater de 1837, quand tous les membres s’engagèrent par acte notarié dans les liens d’une société civile, qui ne laissait à aucun des adhérens la faculté de décliner l’autorité de la compagnie, et d’agir, si bon lui semblait, à sa guise. Jusqu’alors les écrivains, sauf quelques privilégiés du succès, se trouvaient plus ou moins dans la dépendance des directeurs. D’un homme comme Dumas père, auquel l’économe Billion allait demander un drame pour la Porte-Saint-Martin, parce qu’ « on l’avait assuré que ce M. Dumas était une bonne plume, » il fallait bien se résigner à subir les conditions, quelque onéreuses qu’elles parussent ; mais les imprésarios se rattrapaient sur le commun des producteurs et Mourier, par exemple, aux Folies-Dramatiques, ne payait pas plus de 30 francs par soirée pour trois actes, 24 francs pour deux, et 12 fr. 50 pour un, avec promesse d’une petite prime si la pièce réussissait. Il se faisait entre les auteurs une sorte de concurrence à la baisse ; rien ne les entravait, rien ne les enchaînait, mais aussi rien ne sauvegardait leurs droits, et les plus favorisés n’avaient aucun moyen pratique d’aller contrôler les livres de comptabilité. C’est ainsi que Désaugiers, ayant donné aux Variétés la Chatte merveilleuse, qui obtint cinq cents représentations et produisit deux millions, reçut 20 francs par soirée à partager avec un collaborateur, soit pour chacun 5 000 francs.

Par les statuts de la « Société des auteurs et compositeurs