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dérisoire dans des bourgades où la comédie est chose tout exceptionnelle, flotte entre 500 et 5 000 francs par an dans les villes secondaires, et s’élève à 10 000 francs au Théâtre des Arts de Rouen, à 35 000 francs aux Célestins de Lyon, à 43 000 francs aux Variétés de Marseille. Il arrive en bloc à près d’un million. Les théâtres parisiens, y compris la banlieue, rendent un peu plus de 2 200 000 francs. L’Opéra, où le droit est maintenant de 8 pour 100, tient la tête avec une moyenne de 240 000 francs. Le Théâtre-Français fournit une somme à peu près égale, bien que ses recettes soient moitié moindres ; mais il est soumis à un régime particulier : les droits y sont de 15 pour 100 sur les pièces modernes et « le répertoire » est exempt.

Partout ailleurs, à Paris comme en province, les ouvrages des auteurs morts ainsi que leurs veuves depuis plus de cinquante ans, et par conséquent tombés dans le domaine public, sont néanmoins sujets au droit. Racine tire aujourd’hui de Phèdre des revenus bien meilleurs que de son vivant. Tartuffe peut rapporter à Molière dans les bonnes années près de 7 000 francs et l’Avare plus de 1 000 francs. Et cela, en vertu des stipulations de la Société des Auteurs. Elle prolonge, par des traités librement consentis, la durée que la loi en vigueur assigne à la propriété littéraire et fait gagner de l’argent aux gloires défuntes au profit des vivans besogneux, car les sommes ainsi perçues tombent dans sa caisse de secours. Ce qui ne l’empêche pas de rechercher les descendans des maîtres de la comédie et de la musique, pour leur servir, lorsqu’il s’en trouve, la rente du génie de leurs ancêtres. Elle fait pour eux ce que le Roi avait fait pour les petits-fils de La Fontaine, auxquels un arrêt du Conseil, en 1761, continuait le « privilège » de leur aïeul, soixante-six ans après sa mort. Elle paie des droits à la postérité de Boïeldieu, d’Hérold et de Grétry, ce dernier représenté par un fonctionnaire des finances. Elle en paie à l’étranger ; elle découvrirait demain des héritiers de Mozart, qu’elle leur offrirait le tribut de Don Juan et de la Flûte enchantée.

Dans les divers théâtres de la capitale le droit varie de 10 à 12 pour 100. Il est rare qu’un directeur vienne spontanément, comme Antoine, offrir de portera. 12 le prélèvement qui n’était chez lui que de 10 ; mais les administrateurs des grandes scènes, quoiqu’ils se plaignent souvent des exigences de la Société des Auteurs, vivent en bons termes avec elle… parce qu’ils ne