Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 7.djvu/559

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ultérieures, à 500 millions[1]. Pour justifier cette dépense, particulièrement lourde dans l’état actuel de nos finances, on invoque la nécessité de favoriser notre industrie et notre commerce et de leur permettre de lutter contre la concurrence étrangère, chaque jour plus menaçante. On affirme que cette concurrence doit une grande partie de son succès aux avantages que nos voisins retirent du développement de leur navigation intérieure. Dès lors, notre pays ne pourrait faire autrement que de suivre cet exemple et de se conformer lui-même à une politique qui a si bien réussi à nos rivaux.

Telle est la thèse que l’on trouve développée dans tout ce qui a été dit ou écrit en France, depuis quelques années, en faveur des voies navigables. Hâtons-nous de reconnaître, cependant, que même ses plus ardens défenseurs ne lui prêtent pas un caractère de généralité bien grande. Il serait, d’ailleurs, difficile de prétendre qu’en Angleterre ou aux Etats-Unis, par exemple, la navigation intérieure est en progrès, et que des canaux ont été récemment construits ou sont sur le point de l’être[2]. Dans ces deux pays, à part quelques régions favorisées de fleuves étendus ou de grands lacs, la navigation livrée à ses seules ressources a, depuis longtemps, abandonné aux chemins de fer la plus grande partie du trafic ; il n’est pas question de faire de nouveaux sacrifices en faveur d’un moyen de transport qui est considéré là-bas comme ne répondant plus aux nécessités modernes de rapidité, de régularité et de bon marché.

Le pays spécialement visé par ceux qui prônent, — suivant une habitude assez répandue chez nous, — l’exemple de l’étranger est l’Allemagne. Même ainsi limitée, leur appréciation est-elle exacte ? C’est ce que nous nous proposons d’examiner.


I

Le réseau des voies navigables de l’Allemagne a une étendue d’environ 14 000 kilomètres, et comprend 11 600 kilomètres de fleuves et de rivières et 2 500 kilomètres de canaux. La

  1. Le projet de loi, déposé à la Chambre dans la dernière session, comprend en outre 116 millions de travaux à exécuter dans les ports maritimes.
  2. Il faut faire une exception, en Angleterre, pour le canal exclusivement maritime de Manchester, long de 60 kilomètres, qui a été terminé en 1894. Cette voie, dont la construction a coûté 400 millions, couvre à peine ses frais d’exploitation et ne rémunérera pas d’ici longtemps son capital d’établissement.