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L’importance du mouvement de la navigation, mesurée par le tonnage des marchandises transportées, est la même dans les deux pays. S’il en est autrement des parcours, cela tient à ce que, par suite des conditions différentes de production et de consommation, les marchandises sont obligées de faire un plus long trajet en Allemagne qu’en France. Quant à la part que prennent respectivement les chemins de fer et les voies navigables dans l’ensemble des transports, elle est beaucoup plus favorable à la navigation en France qu’en Allemagne, où la part de la batellerie tend à diminuer, tandis qu’elle augmente constamment dans notre pays.

Cette situation est due pour une bonne part au régime différent auquel la navigation est soumise dans les deux Etats. Exempte chez nous de toute redevance pour l’usage de voies navigables, qui ont coûté plus de 1 500 millions à l’Etat depuis moins d’un siècle, elle est assujettie, dans la plus grande partie de l’Allemagne, au paiement de péages sur les canaux et les rivières canalisées. La tendance allemande est même, depuis quelques années, d’augmenter l’importance de ces péages sur les voies qui y donnent lieu et de percevoir des taxes sur les voies naturelles améliorées qui en étaient exemptes jusqu’ici.

En ce qui concerne les rapports de la batellerie avec les chemins de fer, ils sont, en Allemagne, aussi bien que dans les autres pays, ceux de deux concurrens, et les assertions relatives à l’entente qui existerait entre ces deux moyens de transport sont absolument fantaisistes. Les représentans des deux parties sont d’accord à ce sujet, ainsi que pour constater l’inexactitude de la théorie d’après laquelle le trafic se partagerait naturellement entre les deux voies, la batellerie recueillant les marchandises pondéreuses qui ne seraient pas rémunératrices pour le chemin de fer, et celui-ci conservant le transport des produits fabriqués et des objets de valeur. En fait, la concurrence de la navigation s’exerce, de l’aveu général, aussi bien et peut-être plus sur les marchandises de valeur que sur les matières premières. À cette première cause de préjudice pour les chemins de fer s’en ajoute une seconde, tenant à ce que la navigation dessert presque exclusivement le trafic à grande distance et laisse aux voies ferrées les transports à petit parcours, qui sont beaucoup moins productifs.

Il n’est d’ailleurs pas exact que ce préjudice soit compensé