Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 7.djvu/601

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le petit couvent de Corbara restera dans sa belle tranquillité jusqu’à la fin d’août.

Je ne m’en plains pas. Je prie et j’étudie avec une ardeur infatigable. Ma journée active est de quinze heures. Je ne me suis jamais senti en meilleure harmonie dans ma conscience, dans mes pensées, dans mes convictions intimes.

La situation politico-religieuse du pays m’afflige, et si le mobile de mes espérances patriotiques et religieuses n’était pas placé au-dessus des hommes, je désespérerais de l’avenir de la France et du catholicisme dans notre patrie. La cause de la religion me semble singulièrement compromise, et je vois avec douleur que les hommes de gouvernement ne comprennent pas l’importance politique du christianisme. Ils disent bien qu’en proscrivant des congrégations qu’ils redoutent, ils n’en veulent pas à la religion, mais que ces hommes de gouvernement, s’ils sont sincères, nous donnent donc des preuves publiques de leur respect et de leur préoccupation sérieuse de la vraie religion.

Au fond, mon cher ami, à droite comme à gauche, notre société française lettrée est envahie par un effroyable scepticisme, et il faudra que des âmes, à la vertu héroïque et aux convictions indomptables, sans anathème et sans malédiction, soient suscitées par l’éternel esprit qui renouvelle tout, afin de refaire notre monde vieilli.

Je me nourris de ces espérances et de ces rêves dans ma solitude, en pensant aux amis et à la patrie absente. Comme j’aimerais à vous revoir ! Savez-vous que je suis bientôt à mes cent jours ?

Vous êtes trop modeste, cher ami, dans la façon dont vous jugez en vous l’homme de la parole. L’idéal, sans doute, est désespérant, mais il y a de charmantes et de puissantes incarnations de cet idéal, et vous avez, vous, votre belle part dans les privilégiés et les dilettantes.

Grandissez encore, non pas dans le métier, que vous possédez à fond, mais dans le sentiment artistique sans lequel les plus habiles ne sont jamais grands.

J’ai été très affecté moi-même de la douleur de votre ami D… Exprimez-lui ma religieuse et chaude condoléance. Je sais qu’il a des convictions pleines de foi. Ces convictions seules peuvent calmer les douleurs dont la mort a le terrible secret. Qu’il ait du courage ! il semble aussi que les deuils de famille mettent un