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surcroît d’amour dans ceux qui en ont cruellement souffert. Adieu, cher ami, rappelez-moi au souvenir de votre femme ; je bénis vos deux petites filles et je vous embrasse de tout cœur.


P.-S. — Voudriez-vous me faire adresser la Revue Scientifique ?


Pendant ce temps, on exécutait les fameux décrets d’expulsion des congrégations.

Je pensais que les religieux de Corbara seraient dispersés. Cette crainte ne se réalisant pas, je promis au P. Didon d’aller le voir aux vacances.

Il m’écrivait le 8 septembre :


Corbara, 8 septembre 1880.

Mon cher ami,

Le cœur est la source intarissable des bonnes pensées.

C’est lui qui vous a inspiré le projet de venir jusqu’à moi, et c’est lui qui inspire votre chère femme à vous engager à le réaliser.

Voici comment vous ferez, si rien ne se mot en travers de nos désirs. Vous prendrez à Marseille, le lundi, à neuf heures du matin, le bateau pour l’Ile-Rousse. De l’Ile-Rousse à Corbara, il faut une heure en voiture.

Vous logeriez à côté de moi, dans une cellule de moine ; vous auriez un lit pas trop dur que je préparerai moi-même ; vous partageriez mon pain qui n’a rien de celui des prisonniers ;… et vous pourriez jouir, tant qu’il vous plaira, de cette hospitalité monastique et tout amicale. Nous ferons quelques courses dans la montagne et nous pourrons causer à loisir des mille choses que deux êtres intelligens et sympathiques ont toujours à se dire, quand ils se trouvent loin du tapage humain, dans la grande solitude de Dieu.

Allons, je vous attends, quelle grande joie ce sera pour moi, l’enseveli !

A vous cordialement, je vous embrasse, je bénis vos jolies enfans et je presse les mains avec respect à leur mère.


J’acquittai ma promesse.

Je partis pour Corbara et je passai une semaine au couvent.