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La destinée a des heures cruelles. Il faut avancer quand même, l’œil fixé vers l’Eternel Bien.

Il me serait doux de vous revoir. J’attends une lettre de Rome pour être fixé sur mon sort. Si la liberté m’est rendue, je viendrai à Paris, mais plus tard, quand j’aurai accompli jusqu’au bout, ici, les devoirs de ma tendresse filiale.

Vous avez connu, vous, la douleur qui m’accable et vous comprendrez mieux que personne, avec votre grand cœur, mon inexprimable chagrin.

Oh ! la foi, la foi ! C’est ma suprême ressource, et je sens, grâce à elle, revivre en moi l’âme de mon héroïque et sainte mère.

Je vous embrasse en pleurant.

Tout vôtre.


Si le P. Didon avait commis une faute il semble qu’elle eût été largement expiée.

Mais il fallait encore des tortures nouvelles pour mettre à l’épreuve son courage, comme pour faire ressortir son héroïsme et sa résignation.

Quelques jours après la mort de sa mère, le P. Didon recevait l’ordre de reprendre la route de l’exil. La liberté ne lui était pas encore rendue.


Le Touvet, 11 février 1881.

Mon cher ami,

Non, je ne vous reverrai pas. Le cercueil de ma mère n’a pas réussi à fermer devant moi la route de l’exil. A la fin du mois, je quitterai cette tombe que, peut-être, je ne reverrai pas et j’irai m’ensevelir encore dans cette austère solitude où le devoir, un devoir héroïque, m’appelle.

Qu’est-ce donc que les hommes veulent de moi ? Je ne sais. Mais je sais bien que ma destinée est douloureuse et que Dieu ne m’épargne aucune douleur.

Il est vrai, mon ami, qu’après le coup foudroyant dont je viens d’être frappé, nul sacrifice ne m’épouvante. Lorsque la douleur atteint une certaine acuité, le cœur, torturé par elle, ne sent plus.

Je ferai mon devoir avec sérénité, l’œil fixé sur ce Christ qui reste mon idéal et entendant toujours cette dernière parole de ma mère, qui sera la loi de ma vie : « Aucune douleur ne m’a