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d’abord son fils, qui très souvent se destinait à la même profession et qui par conséquent faisait son apprentissage auprès de lui ; puis sa femme qui partageait volontiers sa besogne, à l’exemple de cette Artémis qui dorait les armes fabriquées par son mari. Rien n’empêchait d’ailleurs une femme d’avoir sa clientèle propre. Sans parler de celles qui se plaçaient comme nourrices, les textes nous signalent à Athènes des boulangères, des teinturières, des ouvrières en lainages, des marchandes de rubans, de couronnes, de pelotons de fil, des revendeuses.

Certains étaient patrons et se bornaient à diriger leur entreprise. Les ateliers n’étaient jamais bien vastes en Attique. Le plus grand que l’on connaisse est la fabrique de boucliers que Képhalos possédait au Pirée et qui groupait 120 ouvriers. Le père de Démosthène avait une fabrique de glaives avec 32 esclaves et une fabrique de meubles avec 20. L’atelier d’Apollodore devait avoir plus d’importance, puisqu’il donnait un revenu supérieur. Quelques concessions minières étaient assez étendues, notamment celle de Nicias avec ses 1 000 esclaves, celle d’Epicratès, qui procurait un bénéfice annuel de 600 000 francs, celles de Diphilos et de plusieurs autres. Mais, somme toute, on peut affirmer que la grosse industrie, au sens actuel du mot, a été ignorée des Grecs. Leurs agglomérations ouvrières n’étaient pas comparables aux nôtres. Ils ont eu des ateliers ; ils n’ont pas eu de manufactures ; premièrement, parce que, au lieu de nos puissantes machines, ils se sont contentés d’un outillage très simple, sans même avoir l’idée de demander leur force motrice à la nature, et secondement, parce que les fortunes individuelles étaient d’ordinaire assez médiocres et qu’il ne se formait guère d’associations de capitaux.

Les chefs d’industrie ne s’interdisaient pas l’emploi des ouvriers libres ; mais il semble qu’ils leur préféraient en général les esclaves ; du moins ce sont toujours des esclaves que nous voyons dans les ateliers mentionnés par les auteurs. Le patron n’était pas nécessairement le propriétaire de son personnel ; souvent il n’en était que le locataire ; quand il ne voulait pas affecter son argent à des achats d’hommes, il empruntait, moyennant une redevance, les bras dont il avait besoin. Le travail servi le n’était peut-être pas moins coûteux que le travail libre. Mais le maître avait sur l’esclave une autorité beaucoup plus forte que sur tout autre ouvrier : il pouvait le priver de nourriture, l’enchaîner,