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une étendue de 500 000 hectares. La population était misérable et décimée par le paludisme. En 1852, on a entrepris l’assèchement de cette contrée malsaine, et, en peu d’années, la situation a été complètement modifiée.

Un autre exemple est celui de la Corse. La Corse est divisée en deux parties inégales par un massif montagneux qui court du nord-est au sud-ouest. Aux temps de l’Empire romain, les deux versans étaient également salubres. La ville d’Aleria s’élevait dans la plaine orientale, au milieu d’une contrée cultivée et peuplée ; son port, situé sur le lac de Diana, était fréquenté. Aujourd’hui, Aleria ne présente plus que des ruines : la région fertile qui l’entoure n’offre plus, à la vue, qu’un petit nombre de champs en culture ; le reste n’est que marais, terres en friche et maquis. Les habitans sont obligés, dès qu’arrivent les chaleurs de l’été, de faire hâtivement leurs récoltes et de se réfugier dans la montagne. C’est le paludisme qui a amené cette déchéance. On a laissé peu à peu s’envaser l’embouchure des rivières : les eaux retenues ont formé des marécages. Les moustiques malfaisans, du genre Anophèles, s’y sont multipliés. Ils se sont infectés en piquant quelque étranger atteint de paludisme et, à leur tour, ils ont communiqué la fièvre palustre aux populations jusque-là indemnes. Toute une région, dont le sol est fertile et le climat merveilleux, est ainsi transformée en désert. Le mal a atteint de telles proportions que les pouvoirs publics semblent enfin décidés à sortir de leur longue indifférence. Le moment est opportun. Les découvertes nouvelles relatives au rôle des moustiques et à l’évolution de l’hématozoaire montrent que l’on n’est pas en présence de forces naturelles irrésistibles et d’une fatalité inéluctable. L’assainissement de la côte orientale de la Corse n’est pas au-dessus des forces et des ressources dont on peut disposer. Dans un rapport lu à l’Académie de médecine le 24 décembre dernier, M. Laveran a tracé le programme de la lutté méthodique qui doit conduire au succès[1].

Dans les Dombes, la situation est inverse. Ici, c’est une région assainie que l’on prétend remettre en étangs et marais. Les

  1. Au mois de mai 1900, l’Académie de médecine a nommé une commission du paludisme, composée de MM. H. Blanchard, Kelsch, Laveran, Railliel et Vallin. M. R. Blanchard a rédigé, au nom de cette commission, une instruction adressée aux médecins, aux naturalistes et aux voyageurs, qui est l’exposé le plus clair, le plus savant et le plus intéressant qu’on puisse lire de l’état actuel de la question du paludisme.