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charges et aux responsabilités du gouvernement que le parti républicain ne serait autorisé à lui en interdire systématiquement l’accès ? » En d’autres termes, M. Millerand entend que la brèche qu’il a faite au gouvernement reste ouverte. Il y est passé le premier, apportant avec lui tout son programme, mais résigné à n’en appliquer pour le moment qu’une partie. D’autres viendront ensuite et réaliseront le reste, morceau par morceau. Mais le gouvernement, une fois ouvert aux socialistes, doit le rester toujours. Telle est du moins la prétention de M. Millerand. Au moment où le ministère s’est formé, devant le scandale de cette coalition hétérogène qui allait depuis M. Decrais et M. Caillaux jusqu’à M. Millerand et M. Baudin, on disait qu’elle s’était faite seulement pour liquider l’Affaire, la triste et fâcheuse Affaire qui pesait si lourdement sur le pays. Le lendemain, chacun reprendrait sa liberté, se retrouverait avec son programme demeuré intact, et le ministère se séparerait. Nous ne l’avons pas cru, et les faits nous donnent raison. Les ministres se cramponnent au pouvoir. Nous oublions l’affirmation pittoresque de M. le général André qu’il ne s’en ira que « les pieds devant. » Mais celle de M. Millerand a une autre portée. La maison est à nous, assure-t-il : du moins nous y avons un appartement, et nous ne le céderons à personne. Quant à ceux de son parti qui douteraient encore de l’efficacité de sa participation aux affaires : « J’ose croire, leur dit-il, que l’expérience qui vient de se poursuivre, les résultats qu’elle a apportés aux travailleurs, et dont le bilan sera prochainement établi, ne contribueront pas peu à maintenir le parti socialiste dans la voie des réalisations pratiques, par lesquelles s’annonce et se prépare son avenir. » Le bilan des résultats acquis sera prochainement établi : qu’est-ce que cela signifie ? Nous reprochons à M. Waldeck-Rousseau de n’avoir pas parlé du socialisme dans son discours ; M. Millerand le lui reproche aussi. Nous y signalons une lacune ; M. Millerand la signale à son tour. Hé quoi ! dans cette longue énumération des bienfaits du gouvernement actuel, M. Waldeck-Rousseau aurait-il oublié quelque chose ? Il faut le croire. Il n’a pas établi le bilan des avantages remportés par les socialistes ; mais M. Millerand est là pour réparer cette omission ; il le fera sous peu. Et nous craignons que la liste qu’il aura à dresser ne soit, sinon plus longue, au moins plus sérieusement substantielle que celle dont M. Waldeck-Rousseau a donné l’illusion aux républicains sans épithète. C’est ainsi qu’à l’avant-veille des élections, les deux fractions du gouvernement dressent leurs états de services. Au pays de juger lesquels sont le mieux remplis.