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puissance algérienne et un obstacle à nos efforts. Nos dissidens sont assurés de trouver, dans le Maghreb, un asile sûr ; des excitations à la révolte en viennent continuellement, colportées par des marabouts, des derviches, impossibles à surveiller. Le fanatisme musulman de nos indigènes trouve un encouragement et un aliment dans la masse, toujours en fermentation religieuse, des tribus marocaines. Notre œuvre est démolie à mesure que nous y travaillons. Malgré notre désir sincère de vivre en paix et en bonne intelligence avec « l’empire du Maroc, » un jour viendra où nous serons amenés à y intervenir, soit pour consolider l’autorité du sultan, soit pour la remplacer. Nous n’aurons achevé notre tâche, dans les pays Barbaresques, que le jour où nous aurons atteint l’Atlantique, où nous aurons amené jusqu’au bord de l’Océan notre grand chemin de fer du Nord-Afrique, comme jadis Okba-ibn-Nafé, le conquérant arabe du Maghreb, ne crut avoir accompli son œuvre qu’après avoir poussé son cheval jusque dans les flots de l’Atlantique.

La France n’a pas attendu, pour exercer son action dans tout le Maghreb, que ses soldats eussent débarqué sur la plage de Sidi-Ferruch ; la prise d’Alger, si elle a été le premier acte de la conquête, est aussi la conclusion d’une histoire déjà longue. Dès le XVIIe siècle, le pavillon fleurdelisé était respecté sur les côtes barbaresques. Le sultan Mouley-Ismaël, dont l’empire comprenait Tlemcen et Tombouctou, envoyait une ambassade saluer en Louis XIV le plus puissant prince de la chrétienté ; il lui faisait demander la main de Mlle de Conti, fille du Roi et de La Vallière. Le baron de Saint-Amand, à son tour, se rendait à Marrakech pour conclure, de la part du Roi Très-Chrétien, un traité d’amitié avec le grand empereur du Maroc. A maintes reprises, les vaisseaux de nos rois se montrèrent sur les côtes du Maghreb ; la France, ramassant lèpre que l’Espagne avait laissée choir, devenait, en face des infidèles, en Orient comme dans l’Afrique du Nord, la gardienne des intérêts de la chrétienté. Si l’Espagne peut rappeler avec orgueil les souvenirs de sa croisade séculaire contre les Maures, nous ne devons pas oublier la longue tradition, ininterrompue depuis les temps de François Ier, de notre politique orientale et chrétienne, dont notre action au pays du Maghreb n’a été qu’un chapitre.

Survint Trafalgar, où les flottes de France et d’Espagne succombèrent en vue des côtes marocaines. Notre prestige dans les