Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 7.djvu/826

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

savez où portent les soupçons et à quoi la sécurité des États oblige les princes. En telle matière, pour remédier à une ombre et souvent commencement de mal, on est forcé de venir aux voies de fait. Ce qui, peut-être, sera entrepris d’une part pour sûreté sera pris, de l’autre, pour conspiration… Nous avons affaire à un homme qui est de cette humeur de vouloir contenter un chacun. Il saura toujours garder le respect et les devoirs selon la considération des personnes… Mais, hâtez-vous donc, Monsieur, hâtez ce désiré retour et venez contribuer au bien commun, ce qui est en votre pouvoir. »

On veut Richelieu à la Cour. On le veut en otage. Pour lui, il est résolu : la Reine ne sera près du Roi que si elle a ses entrées au Conseil. Si on ne veut pas écouter ses avis, elle les donnera quand même. Elle a un entretien avec le Roi. C’est à l’heure critique où se décide la guerre contre les Réformés. Elle parle ; elle s’oppose à la rupture ; elle demande, elle exige « l’union de tous, » c’est-à-dire la paix.

Elle parle d’union et de paix. Or, c’est la guerre qui est décidée. On méprise ses conseils : il faut donc frapper ailleurs. Richelieu prend alors le chemin de toutes les ambitions non satisfaites, de toutes les oppositions désespérées. Il s’adresse à l’opinion.

Ce jeune évêque se morfondait, depuis cinq ans, loin du pouvoir. Il s’épuisait en des efforts stériles pour conquérir sinon la faveur, du moins la confiance du Roi ! Sa carrière était traversée par celle d’un homme jeune aussi, maître de la volonté royale et qui, selon toute apparence, pendant des années encore, lui barrerait la route. Il n’avait qu’une issue : le cardinalat. On la fermait. La politique du silence et de la réserve lui réussissait mal. Il se décide à en adopter une autre.


II. — LE RECOURS A L’OPINION

Il n’est pas de régime politique qui ne soit obligé de compter avec l’opinion. Mais, dans une monarchie, l’art de concilier les idées de gouvernement avec les sentimens populaires est particulièrement difficile, parce que les intérêts dynastiques et la volonté particulière du prince compliquent encore les données du problème.

Un homme public qui, pour agir sur le souverain, prend le détour de s’adresser à l’opinion risque beaucoup. D’abord, il