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force. » Voici maintenant la défense des Réformés : on loue leur fidélité. C’est à tort qu’ils sont accusés de rébellion : « En effet, lorsqu’ils s’assemblent, c’est sur la promesse qu’on dit que Votre Majesté leur en avait donnée ; ils vous supplient d’ouïr leurs plaintes avant que de condamner leur cause et leurs personnes. Ils ne cherchent pas d’autres armes que leurs larmes, s’il plaît à votre bonté royale d’y avoir quelque égard. » Pour un peu, le plaidoyer serait si chaleureux qu’il verserait dans le « huguenotisme, » et ce trait même est assez notable ; car il classe, presque certainement, ce pamphlet auprès d’un autre, plus considérable encore, qui parut quelques mois plus tard, après la mort de Luynes, mais qui, écrit de son vivant, expose la thèse complète de ses persévérans adversaires. C’est la Chronique des Favoris.

Ici, le ton s’élève encore. Ce ne sont plus seulement les incriminations particulières contre Luynes et ses frères ; ce n’est plus seulement la défense de la Reine-Mère et des grands : c’est l’ensemble du grand débat européen ; c’est la politique extérieure aussi bien que la politique intérieure ; ce sont les conséquences funestes de la décision si grave prise par Luynes quand il a voulu la guerre : « Nous voyons clair, maintenant ; des lièvres tremblans nous ont fait peur. Nous nous sommes jetés à l’eau pour échapper à des foudres de guerre qui n’étaient eux-mêmes que des poltrons : voilà toute l’histoire des Ponts-de-Cé. » Tous nos maux viennent, une fois de plus, de nos ennemis, c’est-à-dire des Espagnols : « Nos voisins, vrais Argus, s’avisèrent qu’une guerre civile en France serait bien à propos, pour leur permettre de venir à bout des révoltes d’Allemagne et de l’usurpation qu’ils prétendaient faire, tant au Palatinat, Juliers, qu’en la Valteline. » De là tout le mal ; et nous nous sommes laissé prendre au piège ! « Ils ont ramassé tous les vieux haillons de la Sainte Ligue pour faire un beau manteau de religion doublé bien finement par les Pères de la Société et, de tout cela, ils ont fait un présent à ce beau favori, qui n’y a vu qu’un moyen de parvenir à la connétablie ! .. Tous les dévots sont arrivés à la rescousse ; les cardinaux ; l’archevêque de Sens, le Garde des sceaux Du Vair, qui comptaient aussi sur leur chapeau rouge, et le Père de Bérulle, et « jusqu’à la marquise de Maignelay. » Le roi Henri IV s’inquiète, aux enfers, de ce qui se passe là-haut ; il apprend l’état où l’on a mis son royaume, son fils mal conseillé et à demi