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Je ne me ralentis pas un instant dans ma vie de labeur. J’ai résisté bravement aux rigueurs de l’hiver, et je pense pouvoir terminer avant la fin de mars mon premier volume. Vous voyez, cher ami, que je ne suis pas au bout de ma peine. Malgré tous mes efforts, et si Dieu me donne la santé nécessaire, j’espère que tout sera fini dans les premiers mois de 89.

Comme j’aimerais à vous avoir de temps en temps près de moi, à ma table de travail ! Je vous donnerais à lire mes pages, et vous les jugeriez avec la bonne sévérité des amis vrais. Mais je compte bien vous montrer mon œuvre avant que le public ne la voie, et recevoir de votre amitié clairvoyante les conseils et les critiques. Si le Christ que je peins, que j’essaie de rendre avec son auréole divine, pouvait vous séduire aussi ! .. Ce serait un grand triomphe et, alors même que mon livre serait lacéré, déchiré sans merci, je croirais avoir réussi à faire une œuvre vivante et belle.

Je ne m’étonne pas de la tristesse dont votre lettre est remplie. Un dehors de ceux qui croient, je ne connais pas d’homme heureux. Quand la vie a battu son plein, et même lorsqu’elle est dans son plus vigoureux rayonnement, elle ne donne jamais aux Ames, qu’un idéal supérieur attire, la plénitude de la joie. Mille aspirations demeurent inassouvies. L’homme est un grand affamé que le Christ seul rassasie d’espérance divine.

J’en ai fait l’expérience, et si je vous l’écris, c’est que ma vie tout entière m’en a convaincu.

Dieu vous a donné beaucoup, mon ami, et vous seriez un ingrat de l’oublier ; à l’Age où nous sommes, il faut choisir entre une tristesse incurable ou les espérances de Dieu. Nous causerons de ces choses et de tant d’autres bientôt. Je compte aller à Paris vers la fin de mars, un peu avant Pâques.


Flavigny-sur-Ozerain. 10 mai 1888.

Mon ami,

Je n’ai reçu qu’une partie des ouvrages que j’avais demandés.

Le Commentaire de l’Evangile selon saint Luc, par Godet, ne m’a pas été envoyé.

J’ai écrit à Sandoz pour le réclamer. Il n’a pas jugé à propos de me répondre. Vous seriez bien aimable de lui porter vous-même ma réclamation. L’ouvrage me serait nécessaire, et le